Présentes dans 52 pays sous le nom d’Association internationale des Charités (AIC), elles ont été les premières à suivre Vincent de Paul.Huit équipes sont actives à Marseille. Rencontre avec les équipières de Marseille-Ville, rue d’Austerlitz (6e).
Démêler les problèmes administratifs, c’est le travail deFrançoise. Dans son bureau, elle accueille les bénéficiaires de l’aide alimentaire qui doivent justifier de leur situation familiale et financière. Ce matin, Faïza vient pour un renouvellement. Elle arrive de Grèce avec sa famille et elle est en attente de droits. « Les personnes sont orientées par les assistantes sociales, les référents RSA ou des structures de lutte contre l’exclusion.Il est souvent difficile pour elles de faire les démarches, notamment à cause de la barrière de la langue, ou parce qu’elles ont honte, se sentent humiliées, ont peur d’être jugées. Elles ont souvent un parcours difficile, ont raconté 36 fois leur histoire, n’ont pas été comprises. Chez nous, elles peuvent confier ce qu’elles n’ont pas osé dire dans un cadre administratif. Notre premier principe, c’est le non jugement.»
Accueillir et écouter
Françoise reçoit de plus en plus de personnes en situation de précarité : « Ces six derniers mois, 10 à 12% en plus, majoritairement des personnes en rupture de droits CAF. En cas de déménagement, le dossier passe d’un département à l’autre, les droits sont coupés, il faut tout recommencer… C’est aussi le cas quand la situation familiale change. Il faut deux à trois mois pour étudier leur cas. Nous avons égalementdes personnes en attente d’un dossier de retraite qui se retrouvent sans rien. » Et aussi des jeunes, « en galère », comme Béatrice, qui a quitté sa famille : « L’assistante sociale m’a envoyée ici. Je voulais être coiffeuse mais je n’ai pas réussi. J’ai gardé des enfants. Aujourd’hui, je touche le RSA. Pôle Emploi m’a dirigée vers un organisme pour faire un bilan de compétences. Je souhaite m’orienter vers les métiers de la petite enfance. » Elle attend un rendez-vous pour une remise à niveau en vue de passer un concours. « Heureusement que j’ai trouvé ici des personnes très agréables, gentilles, qui m’écoutent et qui m’aident. Elles m’épatent ! »
L’aide alimentaire
Une fois par mois, l’aide alimentaire est distribuée sous forme de colis. Elle est possible grâce au partenariat avec la Banque Alimentaire. « Chaque mois, nous louons un camionet nous sommes aidées par des hommes accueillis rue d’Austerlitz pour le conduire et le décharger.Nous retirons à la Banque plus d’une tonne de produits secs, surgelés, frais, des yaourts, du fromage, du beurre, des denrées de base.La plateformeProxiDon, qui permet aux commercesde donner leurs invendus aux associations proches de chez eux pour éviter le gaspillage, nous aide à diversifier nos approvisionnements. Et pour compléter les colis, grâce aux dons financiers, nous achetonsdans les grandes surfaces certains produits comme le café, l’huile ou le chocolat. » L’équipe fournit également des produits alimentaires, de la vaisselle, des casseroles ou des draps à des personnes sans domicile
du quartier qui viennent frapper à la porte. « Personne ne repart de chez nous sans une aide. » Parmi les bénéficiaires de l’aide alimentaire, de plus en plus de femmes seules avec des enfants qui n’ont pas de formation, n’ont jamais travaillé, et sont souvent victimes de violences conjugales. « Nous admirons leur combativité, avec aussi peu de moyens et d’appuis, rejetées par leur propre famille. » Presque la moitié des bénéficiaires sont des personnes seules, un quart sont sans ressources suite à des ruptures de droits. Parmi les nouveaux profils, des travailleurs pauvres, des retraités, des demandeurs d’asile.
Une aide à l’insertion
Si l’aide alimentaire est essentielle, les personnes accueillies peuvent aussi trouver sur place un vestiaire et une boutique solidaire. Ils fonctionnent grâce aux dons de vêtements, de layettes, de chaussures, de linge de maison et d’accessoires divers, comme la vaisselle ou des produits d’hygiène. Maryse est à la caisse, Odette, Suzanne et Annie font le triquand les personnes apportent des paquets de linge. Elles donnent un coup de fer, lavent chez elles les vêtements qui en ont besoin, étiquettent et mettent tout en rayon sur les portants. « Certaines personnes ne viennent que pour le vestiaire. Le bouche à oreille fonctionne bien ! Les prix défient toute concurrence, de 0,20 à 1,50 euros, jusqu’à 5 euros pour les vestes. Ce qui n’est pas vendable est récupéré pour être recyclé. »
Pour les personnes étrangères, un atelier d’alphabétisation fonctionne deux fois par semaine en période scolaire. Les femmes qui y participent apprennent à s’exprimer dans les situations de la vie quotidienne. Cela facilite leur autonomie et leur insertion sociale et leur permet de suivre la scolarité de leurs enfants.
Les personnes âgées et isolées ne sont pas oubliées : les équipières effectuent des visites à domicile et en institution, en particulier à la maison de retraite et à l’hôpital gérontologique d’Allauch.
Une formation nécessaire
Certaines personnes accueillies souffrent de pathologies lourdes, de problèmes psychologiques, « elles disjonctent à cause d’un événement de leur vie familiale. D’où l’importance des formations que nous suivons pour gérer l’agressivité, savoir écouter, dire non, canaliser, savoir les prendre, les calmer. »Formations à l’accueil, à la sécurité alimentaire, au logiciel pour le suivi des statistiques de la Banque Alimentaire, formation spécifique pour les animatrices de l’atelier alphabétisation…« Saint Vincent lui-même parlait de « charité organisée ». La bonne volonté ne suffit pas, insiste Christine March, responsable de l’équipe.Nous avons besoin de nous former pour nous adapter aux nouveaux besoins et aux nouvelles formes de pauvreté, et pour être plus efficaces.»
Parmi ces femmes de terrain, 20 équipières qui s’engagent à servir le mouvement en signant une charte, et 9 bénévoles qui participent aux activités. Charlotte, équipière depuis dix ans, se sent utile en se mettant au service des plus pauvres. Annie, depuis huit ans, s’est occupée du vestiaire, des colis. Elle habite le quartier et se souvient du « Fourneau économique », une soupe populaire que les Filles de la Charité avaient créée pour les clochards. Elle est polyvalente, tout comme Maryse, fidèle équipière depuis douze ans. Monique, la trésorière, a mis ses compétences, il y a trois ans, au service de l’équipe. Elle gère notamment les stocks. Au départ, elle venait deux après-midis par semaine, maintenant, c’est deux jours et demi. « La charité n’attend pas ! », répétait leur fondateur…
Changer le monde
Car c’est bien l’esprit vincentien qui les réunit. « Humilité et service avant tout. »Un esprit qui imprègne la maison, puisqu’elles sont logées par les Filles de la Charité. Pour ces bénévoles très professionnelles, « l’équipe, c’est une seconde famille où on partage tout, les joies, les peines. Elle nous aide à remonter la pente quand on est au plus bas », confie Marie-Françoise.Elles se retrouvent une fois par mois pour une réflexion spirituelle, puis un temps d’échanges au cours duquel elles font le point et évaluent les activités.
« Saint Vincent, c’est un ami spirituel et un patron exigeant ! Il ne faut pas le décevoir », sourit Christine, qui prépare déjà sa succession à la présidence de l’équipe Marseille-Ville. « Nous recherchons de nouvelles bénévoles, et notamment une qui puisse animer l’équipe. Il faut assurer la relève ! L’association ne nous appartient pas. Nous avons le devoir de transmettre l’héritage, de pérenniser les actions et de les élargir. Il faut creuser des idées nouvelles au lieu de se contenter de ce qui a toujours existé. Et associer davantage les accueillis, notamment pour l’organisation des fêtes ou des repas en commun.»
Les équipières s’interrogent sur cette société qui laisse tant de personnes sur le bord de la route et qui les stigmatise. « Que leur propose-t-on ? Qu’est-ce qu’on fait vraiment pour mettre en valeur leurs capacités et ce qu’elles ont à apporter à la société ? On leur donne le RSA, mais on ne les fait pas grandir. » Si elles se sentent souvent démunies face aux détresses, ces femmes d’action assurent avec dynamisme « le ministère de la charité » que leur a confié saint Vincent de Paul.
Équipe Saint-Vincent Marseille-Ville
12 rue d’Austerlitz (6e)
Tél : 06 29 80 53 19 – 04 91 80 57 27
Un foyer pour les étudiants
Durant l’année universitaire, la maison de la Société de Saint-Vincent-de-Paul La Sauvageonne accueille, dans un cadre familial et convivial, des étudiants qui poursuivent leurs études à Aix-en-Provence.
Le Foyer Bienheureux Pier Giorgio Frassati offre 25 chambres confortables avec wifi, deux salons avec bibliothèque et télévision et un espace détente et repas.Le prix de l’hébergement est de 300 à 350 euros par mois.
La Sauvageonne est située 425 chemin de Repentance à Aix-en-Provence.
Contacts et inscriptions pour l’année universitaire :
06 18 40 93 36 – sauvageonneaix@sfr.fr
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