Divisions dans la société
R. P. H.-D. LACORDAIRE, CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS, TOME PREMIER, p. 141-142
Si nous tournons nos regards vers la société, nous y trouvons … divisions.
… Dans la société, les intelligences combattent les intelligences, les volontés combattent les volontés ; les empires brisent les empires ; les générations paraissent s’étouffer dans l’espace. Et tout cela se fait non pas seulement pour des biens présents, mais pour des biens éternels. Les uns veulent que tout soit établi pour conduire les peuples à l’éternité, les autres ont ce but en exécration. Ainsi la société qui est instituée pour la paix, pour que chacun ait sa part d’air, de soleil et de vie, pour empêcher l’oppression, pour nous unir comme dans un faisceau, pour nous faire gagner les biens présents et futurs, cette société n’est qu’une désolation, une division sans remède.
Et, chose qui donne bien à penser, depuis que le christianisme est venu dans le monde, depuis que l’Église existe, cette division s’est augmentée : les enfants des ténèbres et ceux de la lumière se sont poursuivis avec un acharnement qui ne s’était point vu. Dans le paganisme, il y avait au moins une sorte d’accord ; on respectait les mêmes autels, les philosophes n’insultaient pas la foi des petits. Ces grands et bons génies, Socrate, Platon, Cicéron, disaient qu’il fallait faire comme la foule, au lieu de discréditer ses croyances et de lui imposer des doctrines qu’elle ne comprendrait pas. Mais nous, chrétiens, quand nous avons eu des autels saints, un Évangile pur, un clergé fidèle à ses devoirs ; quand nous avons eu un débordement de science et de charité divines, c’est à ce moment-là qu’il s’est formé des conspirations contre les autels, c’est alors qu’a commencé la lutte de l’empire contre le sacerdoce, pour arriver, après bien des temps, à cette anarchie que vous voyez.
Quant à la nature … si puissante et si riche, combien elle a été pauvre pour nous ! Avons-nous tous de la lumière assez, de l’air, de la chaleur assez ? Il y a des millions d’astres qui pourraient nous la donner cette chaleur qui nous manque ; il y a dans cette ville des mains qui depuis cinq mois ne l’ont pas sentie. Quelle prodigalité et quelle avarice !
Jean-Baptiste-Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861) était un prédicateur renommé et restaurateur de l’Ordre des Prêcheurs (les Dominicains) en France. Il était un grand ami de Frédéric Ozanam (en fait, il est l’auteur d’une biographie très intéressante sur Ozanam) et très proche de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Image : Lacordaire, peint par Louis Janmot (1814-1892), ami de Frédéric Ozanam et l’un des premiers membres de la Société de Saint-Vincent de Paul.
*Source: R. P. H.-D. LACORDAIRE CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS. TOME PREMIER. Auteur : Jean Baptiste Henri Dominique Lacordaire. Publié en 1853
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