"Comment mange-t-on un éléphant ? Une bouchée à la fois" Réflexion sur les vertus Vincentiennes

Zeracristos Yosief, C.M.
23 mai, 2023

« Comment mange-t-on un éléphant ? Une bouchée à la fois » Réflexion sur les vertus Vincentiennes

par | Mai 23, 2023 | Formation | 0 commentaires

Introduction

À la question “comment mange-t-on un éléphant ?”, un sage a répondu “une bouchée à la fois”. D’une certaine manière, la réponse du sage reflète l’idée pour laquelle Vincent a tant insisté sur les vertus à acquérir en vue des choix de vie que nous avons faits (la sainteté de vie) et la mission à accomplir en l’honneur et la dignité des appelés.

Si nous y réfléchissons bien et avons le courage et la sagesse de revoir tout le chemin de notre vie, nos comportements et nos décisions, nous comprenons immédiatement que nous n’avons pas respecté tant de décisions et de bonnes intentions depuis le jour des exercices effectués avant notre consécration, ordination… y compris ceux que nous prenons après chaque exercice spirituel annuel ou mensuel. Pourquoi donc ? À mon avis, il nous manque la discipline personnelle. Nous ne sommes pas assidus et nous manquons de continuité dans la discipline personnelle qui est très importante. Le monde d’aujourd’hui semble obsédé par le fitness ! Pourtant, même dans le fitness, la chose importante, disent les experts, est la discipline. La continuité dans les exercices à faire, dans l’alimentation et dans le style de vie quotidien. La discipline donc. Les vertus chrétiennes et vincentiennes sont importantes pour nous discipliner de manière chrétienne. Le but ultime des vertus chrétiennes et vincentiennes est “l’imitatio Christi” et rien d’autre.

Saint Paul nous le dit dans sa lettre aux Philippiens 2,5-8 : “Ayez en vous les mêmes sentiments qui étaient en Christ Jésus, lequel, bien qu’il fût de nature divine, n’a pas considéré comme une proie à saisir son égalité avec Dieu ; mais il s’est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur et en devenant semblable aux hommes…”. Le thème de l’imitation du Christ conduit au cœur de Jésus, un cœur à imiter et à suivre : “apprenez de moi, car je suis doux et humble de cœur” (Mt 11,29). Si nous voulons suivre les pas de Jésus, alors nous devons avoir les mêmes sentiments, le même objectif de vie, la même passion pour Dieu et pour son Royaume.

Les vertus chrétiennes et vincenziennes nous aident à domestiquer l’éléphant qui est en nous (l’orgueil et la vanité ; l’esprit du monde, etc.) et à nous soumettre à la Seigneurie du Christ dans notre vie et notre ministère. Ce qui importe n’est pas le ministère que nous faisons, mais plutôt la manière dont nous le faisons. Celui qui mange une orange porte l’odeur de l’orange, celui qui prend un café a l’odeur du café, celui qui s’entraîne continuellement avec les vertus porte l’odeur de la grâce, Christ Jésus. La réflexion sur les vertus est importante pour cette raison précise, car plus nous réfléchissons à elles, plus nous portons l’odeur de la grâce sanctifiante. Passons maintenant à la réflexion sur chaque vertu. Commençons par la mère, c’est-à-dire la source de toutes les vertus, selon Vincent : l’humilité. “C’est ici la base de la perfection évangélique et le pivot de toute la vie spirituelle. Celui qui aura cette vertu obtiendra facilement toutes les autres ; mais celui qui ne l’aura pas sera également privé de celles qu’il semble avoir”.

Humilité

L’humilité est l’antithèse de l’orgueil : dans la pensée de SV, la vertu de l’humilité est le fondement de toutes les vertus : si celle-ci manque, toutes les autres s’effondrent. Ne nous leurrons pas, dit-il, “si nous n’avons pas l’humilité, nous n’avons rien”. Pour le Christ et pour nous, chrétiens, l’humilité signifie une disposition intérieure comme celle du Christ. Cette disposition intérieure est en net contraste avec l’orgueil, l’autosuffisance, la vanité. C’est la vertu qui donne une conscience de ce que nous sommes devant Dieu : des créatures fragiles, faibles, inconsistants (parfois même contradictoires). Celui qui est humble est également aimable. Dans les Écritures, nous avons un témoignage d’une personne humble : Moïse. “Moïse était une personne humble, le plus humble qui soit sur terre” (Nb 12,1-13). En général, indépendamment de la profession de foi, l’humanité n’aime pas les orgueilleux et les vaniteux, mais les humbles.

L’humilité n’est pas seulement une attitude, mais c’est surtout une façon d’être de l’homme et de se rapporter à Dieu à la lumière de sa vérité et de son amour. L’humilité n’est donc pas l’automutilation, pas un sentiment d’infériorité, encore moins une incapacité ou un infantilisme, mais c’est plutôt une mise de sa vie sur Dieu en se confiant à lui comme l’ont fait Moïse, Marie et Jésus, pour n’en nommer que quelques-uns. L’humilité, ainsi conçue, unit les personnes, tandis que l’orgueil, l’autosuffisance et la vanité divisent.

L’humilité se réjouit de la Seigneurie de Dieu : L’humilité est la vertu qui nous fait sentir Dieu comme le seul Seigneur de notre vie, nous éloignant ainsi d’une attitude d’autosuffisance qui est une forme d’idolâtrie. La personne humble, en effet, n’a aucune prétention, ne fait pas confiance à son propre jugement, mais s’appuie sur Dieu et reconnaît avoir tout reçu de Dieu : tout ce qu’elle est et tout ce qu’elle a. Saint Paul nous le rappelle : “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ; et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu comme si tu ne l’avais pas reçu ?” (1 Cor 4,7). Les orgueilleux sont les plus grands menteurs de tous, a dit un auteur, car ils se vantent de choses qui ne leur appartiennent pas : la beauté, l’intelligence, les différentes capacités… dont ils se vantent et se glorifient mais qu’ils n’ont pas achetées. C’est pourquoi ils sont des menteurs. Les personnes humbles, en revanche, admettent avoir tout reçu de Dieu et disent : “Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire” (Lc 17,7ss).

Ce n’est pas par fausse humilité qu’ils disent être des serviteurs inutiles, mais ils admettent être des pécheurs, et si quelque chose a été accompli, c’est Dieu qui l’a fait à travers eux. L’humilité reconnaît la présence opérante de Dieu dans sa vie. C’était l’humilité de Marie de Nazareth. La personne humble, comme Marie, accepte d’être vidée, ou plutôt, comme disait SV : “videz-vous de vous-mêmes et Dieu vous remplira de lui-même”. Le vidage est la condition pour faire de la place à Dieu, attirant et activant “une quantité démesurée de grâce et de grâces”. L’humilité n’est pas l’espace du vide, mais est l’espace de Dieu qui nous libère de nous-mêmes et nous ouvre à l’union avec Lui. La personne humble est une personne joyeuse et est estimée par les autres.

L’humilité reconnaît la dignité de l’homme : la vertu de l’humilité évangélique, surtout pour ceux qui vivent une vie communautaire, aide à éviter deux excès : d’une part une exaltation idolâtre des autres et d’autre part, une dévaluation ou un mépris des autres. La vertu de l’humilité évangélique s’oriente vers un service libre et libérateur de charité envers les autres, sans hypocrisie, fausseté et dans la vérité. L’humilité évangélique repose sur deux piliers : la vérité et la charité.

Si elle est basée et pratiquée de cette manière, elle s’exprime comme une façon de liberté, dans le plus grand respect des autres, sans exalter personne et sans discréditer ou dévaloriser quelqu’un d’autre. De plus, l’humilité ne respecte pas seulement la dignité des autres, mais a aussi la crainte de Dieu et le sens de sa miséricorde. Miséricorde envers soi-même et envers les autres exprimée et vécue dans l’équilibre. Le respect de soi-même et des autres nécessite une véritable humilité comme expression d’équilibre et de maturité humaine.

L’humilité nous aide à modérer notre orgueil, notre vanité et notre présomption : “Ne vous estimez pas plus haut qu’il ne convient de s’estimer, mais estimez-vous avec une juste mesure… ne vous faites pas une idée trop haute de vous-mêmes” comme le dit Paul (Rm 12). Celui qui reconnaît les dons de Dieu en lui, n’en fait pas une occasion de vantardise, mais attribue tout ce qui est bon en nous à Lui seul. L’humilité a, à cet égard, la fonction de modérer l’orgueil, tant comme une estime excessive de soi, que comme une dépendance de l’estime des autres. Et, en outre, la capacité d’accepter la diversité présente dans l’autre en reconnaissant sa dignité, même dans le péché et l’erreur qui perturbent les relations humaines. La personne humble accepte et surmonte également les humiliations et les offenses qu’elle reçoit et parvient à les surmonter sans aucune forme de vengeance.

L’humilité est une vertu qui rend joyeux dans la vie et fructueux dans le ministère : je conclus cette brève et incomplète réflexion en citant le grand Saint Augustin, “l’orgueil a transformé un ange en diable, et l’humilité a élevé des personnes simples en anges”. C’est vrai parce que le diable est un ange déchu de son trône tandis que Marie et d’autres personnages bibliques sont des personnes comme nous, mais qui ont accepté la Seigneurie de Dieu dans leur vie et ont collaboré avec les grâces reçues au point de dire : pour moi vivre est le Christ et mourir est un gain (Phil. 1,21). Cette humilité non seulement nous rend sereins et heureux dans la vie malgré toutes les difficultés et adversités de ce monde, mais aussi et surtout nous rend efficaces dans le ministère parce que les gens aiment les personnes humbles et douces.

P. Zeracristos Yosief, C.M.
Source : https://cmglobal.org/

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