« Détourne-toi du mal et fais le bien. Recherche la paix et poursuis-la » (Psaume 34, 14)
Alors que l’humanité est partagée entre l’omission et l’indifférence, ou qu’elle cherche à se divertir lors des matchs de football, un pays subit les horreurs de la guerre: l’Ukraine. L’échec de la diplomatie et des institutions démocratiques montre que ce conflit peut durer longtemps. Les gouvernements sont incapables de proposer une trêve et, par le dialogue, de mettre fin à cette guerre insensée. Les médias, semble-t-il, se sont habitués au malheur des autres et n’abordent plus le sujet comme au début de l’invasion. Les rares initiatives pour rechercher la paix sont hasardeuses. Et les effets désastreux de cette guerre, comme l’inflation, la crise énergétique, l’augmentation de la pauvreté, touchent toutes les nations.
En attendant, le peuple ukrainien souffre comme jamais auparavant. Dans le passé, c’était une nation prospère, produisant de la nourriture, avec un tourisme fort et un peuple fier de son histoire, de ses traditions et de ses possibilités d’avenir. Aujourd’hui, seulement de la tristesse et des difficultés. Malgré tout, même si le pays est dévasté, la population reste unie et pleine d’espoir (Psaume 29, 11). Des millions de personnes ont émigré vers les pays voisins, cependant la majorité est restée en Ukraine. Les hommes ont été appelés au combat et les femmes restent derrière, s’occupant de leur famille et des quelques biens qui leur restent.
Face à ce scénario désolant, des personnes engagées se battent pour leur propre subsistance et pour la survie des autres. C’est la charité qui brille au milieu du chaos: c’est Jésus qui se présente comme la vraie consolation et la protection. En Ukraine, la Société de Saint-Vincent de Paul compte quelques conférences qui, malgré les immenses difficultés, insistent pour tendre une main amicale vincentienne à ceux qui sont dans le besoin. Outre la SSVP, la Famille Vincentienne est présente, ensemble nous essayons d’offrir un peu d’espoir à ceux qui en ont le plus besoin (Jean 16, 33), alors que les politiciens tardent à trouver une solution à ce conflit honteux.
Le Conseil Général International, au nom de la Confédération, a signé un « Memorandum of Understanding » avec Depaul International pour fournir 200 repas par jour aux Ukrainiens pauvres de la ville de Kharkiv. Nos Conférences, avec peu de ressources, font également ce qu’elles peuvent en distribuant de la nourriture, des vêtements, des médicaments et d’autres biens matériels. Plus l’hiver s’intensifie, plus les problèmes sont amplifiés, car la production d’électricité pour le chauffage des maisons n’est disponible que quelques heures par jour. Les personnes les plus touchées sont les personnes âgées, les handicapés et les enfants.
Les 7 et 8 décembre, en terrain neutre (Hongrie), le Conseil Général International a reçu une délégation de quatre ukrainiennes de la SSVP. Le confrère Adrian Abel (Angleterre), Président de la CIAD (Commission Internationale de l’aide et du développement), m’accompagnait durant ce voyage. L’idée initiale était que je puisse me rendre en Ukraine, mais pour des raisons de sécurité, cette solution a été retenue (réunion en Hongrie), ce qui a entraîné de nombreux défis pour les quatre vincentiennes. L’espace aérien étant bloqué à cause de la guerre, il n’y a pas de vols en Ukraine, la délégation a donc voyagé en train et en voiture pour la rencontre.
Pour préserver nos Vincentiens de toute situation, nous protégeons leur anonymat. Leur voyage n’a pas été facile. Par exemple, l’une des quatre participantes a réussi à arriver au point de rencontre en Hongrie très fatiguée, 32 heures après avoir quitté son domicile. Nous ne remercierons jamais assez ces courageuses consœurs pour leur immense geste de charité.
Après avoir passé quatre heures à attendre pour traverser la frontière hongroise, nous nous sommes retrouvés dans un hôtel (nous garderons le lieu confidentiel) où nos rencontres ont eu lieu. Plusieurs témoignages de vie, de foi et de dépassement m’ont laissé sans voix. L’un d’entre eux m’a beaucoup émue : une consœur a confié la joie de pouvoir prendre un bain » chaud et digne « , car elle n’avait pas pu le faire en Ukraine depuis longtemps. Une autre consœur a raconté les « choses simples de la vie », comme aller dans un café, accéder à l’internet ou se promener dans un centre commercial, activités assez rares aujourd’hui en Ukraine. Les moments que nous avons passés ensemble en Hongrie étaient pour elles des moments d’un « retour momentané à la vie normale », du moins pour la durée de notre rencontre. Nous avons pris des repas ensemble et prié en famille.
Lors de ces réunions de travail, nous avons pu prendre connaissance des actions menées par la SSVP d’Ukraine dans certains endroits, lesquels, malgré les bombardements incessants, soulagent la souffrance des plus démunis. Après avoir entendu ce rapport, nous avons remis aux conférences ukrainiennes une planche contenant la relique du Bienheureux Antoine-Frédéric Ozanam. Avec une forte émotion, j’ai dit que « Ozanam mettra fin à cette guerre, et ce sera un de ses miracles de plus ». La photo avec la relique va partir en pèlerinage à travers le pays. Nous leur avons également donné des livres et du matériel de formation produits par le Conseil Général.
L’une des jeunes consœurs, photographe professionnelle, nous a montré des photos des horreurs de la guerre, notamment des bâtiments frappés par des missiles, des véhicules détruits par des tirs et des villes entières détruites. Elle a elle-même risqué de perdre la vie en réalisant ces enregistrements photographiques. Une autre consœur a dit qu’elle vit avec son mari qui sert dans les Forces armées ukrainiennes, et qu’elle vit sous tension constante ne sachant pas si son mari reviendra à la maison. D’autres consœurs sont au chômage et subissent également de graves restrictions. L’appauvrissement du pays est total et de nombreux Vincentiens sont également dans un état de pénurie. Il est urgent de parvenir à la paix : nous avons besoin d’artisans de paix (Matthieu 5, 9).
Durant ces jours, j’ai pu constater que la liberté est l’une des valeurs les plus importantes pour l’humanité, si ce n’est la plus grande. Sans liberté, la vie est incomplète. Imaginez la vie sans liberté religieuse, sans liberté politique, sans liberté d’expression, sans liberté de pensée. Dans le cas du peuple ukrainien, imaginez la vie sans la liberté d’aller et venir, sans la liberté de jouir des droits de l’homme les plus fondamentaux, tels que le droit à la vie, à la propriété, à l’éducation, à la santé, au travail et aux opportunités futures. Une consœur l’a soulignée ainsi: « Nous allons surmonter ces adversités. Rien ni personne ne peut nous arrêter ».
Ces histoires et d’autres resteront dans ma mémoire. En tant que Président Général, j’ai exprimé la solidarité de la SSVP du monde entier avec le peuple ukrainien. Nous plaidons de toute urgence pour que cette guerre sans but prenne fin immédiatement. Nous exhortons les présidents Poutine et Zelensky à s’asseoir à une table de négociation pour rétablir la paix, si nécessaire, si urgente, non seulement pour le peuple ukrainien mais surtout pour toute l’humanité (Jacques 3, 18).
Enfin, je voudrais demander aux Conférences Vincentiennes de prier le Saint Rosaire pour l’Ukraine, en demandant à Dieu que ce conflit prenne fin de toute urgence, que les autorités politiques soient touchées par le manteau de la Vierge et que toutes les personnes impliquées cherchent une solution à cette guerre. Que Notre Dame Reine de la Paix nous protège !
Confère Renato Lima de Oliveira
16ème Président Général International
Société de Saint-Vincent de Paul
Source : https://www.ssvpglobal.org/
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