Rome, Avent 2021
LES MALADES ET LES PERSONNES AGEES
BATISSEURS FORTS D’UN AVENIR LUMINEUX ET PLEIN D’ESPERANCE
Chers membres de la Famille vincentienne,
La grâce et la paix de Jésus soient toujours avec nous !
Chaque année, l’Eglise nous offre le don du temps de grâce appelé « Avent » qui nous aide à préparer notre cœur et notre esprit d’une manière particulière pour le temps de Noël. Poursuivant la réflexion sur saint Vincent de Paul en tant que « mystique de la Charité », je nous invite tous, en ce temps de l’Avent de cette année, à méditer sur la mission indéniable et vitale des malades et des personnes âgées au sein de l’Eglise et dans le monde et, de ce fait, dans nos congrégations, associations, communautés, familles et groupes.
Si, d’une part, la société considère si souvent les personnes malades et âgées comme inutiles pour le développement d’un avenir lumineux et plein d’espérance pour l’humanité, d’autre part, dans la Bible, Jésus bouleverse tous ces préjugés et accorde aux malades et aux personnes âgées un rôle privilégié dans la mission que le Père lui a confiée d’amener tous les peuples à lui, à son cœur, de faire advenir le Royaume de Dieu.
Ce renversement biblique découle d’une distinction radicale de qui, en fait, est placé au centre. Qui est celui qui donne sa pleine signification à notre vie, à ce que nous faisons, à ce à quoi nous consacrons tous nos dons et talents ? Qui est la source ultime du bonheur et de la joie ? Ce n’est pas la personne humaine qui occupe la première place, mais Dieu.
La société met souvent la personne humaine au centre, dans la mesure où la personne est physiquement et mentalement rentable ; Dieu n’a pas de place ou, s’il en a une, il figure en troisième ou quatrième position, selon les vues égoïstes de chaque individu. La conclusion logique est qu’à un moment donné, les malades et les personnes âgées deviennent, comme le répète souvent le Pape François, « des exclus de nos sociétés » (Cf. Fratelli tutti, 19-20, 278), qui ne sont plus utiles pour contribuer à un avenir lumineux et plein d’espérance pour l’humanité.
Saint Vincent parle à plusieurs reprises du rôle des malades :
« J’ai dit déjà bien des fois et ne puis m’empêcher de le redire encore à cette heure, que nous devons estimer que les personnes affligées de maladie dans la Compagnie sont la bénédiction de la même Compagnie et de la maison; ce que nous devons estimer d’autant plus véritable que Notre-Seigneur Jésus-Christ a aimé cet état d’affliction, par laquelle il a voulu lui-même passer, et s’est fait homme pour souffrir » (Coste XII, 29-30 ; conférence 184, « Sur le bon usage des infirmités », 28 juin 1658).
« Nous avons sujet de louer Dieu de ce que, par sa bonté et miséricorde, il y a dans la Compagnie des infirmes et des malades qui font de leurs langueurs et de leurs souffrances un théâtre de patience, où ils font paraître dans leur éclat toutes les vertus. Nous remercierons Dieu de nous avoir donné de telles personnes. J’ai déjà dit beaucoup de fois, et ne puis m’empêcher de le dire, que nous devons estimer que les personnes affligées de maladie dans la Compagnie sont la bénédiction de la même Compagnie » (Coste XI, 73 ; conférence 55, « Sur l’utilité et le bon usage des maladies »).
« Mais, pour la Compagnie, pauvre Compagnie ! oh ! que jamais on ne permette rien de singulier, ni au vivre, ni au vêtir ; j’excepte toujours les malades, oh ! pauvres malades ! pour l’assistance desquels il faudrait vendre jusqu’aux calices de l’église. Dieu m’a donné tendresse pour cela, et je le prie de donner cet esprit à la Compagnie » (Coste XII, 410 ; conférence 220, « De la pauvreté », 5 décembre 1659).
Dans son message à l’occasion de la première journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, le Pape François cite « le saint vieillard qui continue à prier et à travailler pour l’Eglise », le Pape émérite Benoît XVI : « La prière des personnes âgées peut protéger le monde, en l’aidant probablement de manière encore plus pertinente que l’activisme de tant de personnes ». Le Pape François ajoute : « Il a dit cela presqu’à la fin de son pontificat en 2012. Que c’est beau ! Ta prière est une ressource très précieuse : c’est un poumon dont ni l’Eglise ni le monde ne peuvent se priver ».
Le Pape affirme également : « il n’y a pas un âge de retraite pour la mission d’annoncer l’Evangile » et il définit la vocation des personnes âgées : « Conserver les racines, transmettre la foi aux jeunes et prendre soin des plus petits » (Message du Pape François à l’occasion de la 1ère journée mondiale des grands-parents et des personnes agées, 25 juillet 2021).
Lors d’une série de catéchèses sur la famille, le Pape François a dit : « Les personnes âgées sont la réserve sapientielle de notre peuple ! […] Nous devons réveiller le sentiment collectif de gratitude, d’appréciation, d’hospitalité, qui ait pour effet que la personne âgée se sente une partie vivante de sa communauté ». Une société qui ne sait pas manifester de la reconnaissance et de l’affection envers les personnes âgées « est une société perverse. L’Eglise, fidèle à la Parole de Dieu, ne peut pas tolérer cette dégénérescence ».
« Là où on ne fait pas honneur aux personnes âgées, il n’y a pas d’avenir pour les jeunes ». De plus, « la personne âgée n’est pas un extra-terrestre. La personne âgée, c’est nous, dans peu de temps, dans longtemps, mais cependant inévitablement, même si nous n’y pensons pas. Et si nous apprenons à bien traiter les personnes âgées, nous serons traités de la même manière » (Pape François, audience générale, mercredi 4 mars 2015).
Vincent avait compris ces principes. Dans les Règles communes, les premières Constitutions de la Congrégation de la Mission, il écrit :
« L’une des choses que Jésus-Christ pratiquait et recommandait plus fréquemment à ceux qu’il envoyait travailler à sa vigne, ayant été la visite et l’assistance des malades, particulièrement des pauvres, la Compagnie aura un soin particulier de les visiter et assister… non seulement les nôtres, mais encore ceux du dehors » (VI, 1).
« En quelque lieu qu’on visite quelque malade, soit en la maison, soit chez les externes, on les regardera, non comme un simple homme, mais comme Jésus-Christ même, qui assure que c’est à lui qu’on rend ce service » (VI, 2).
Saint Vincent de Paul s’est également adressé aux malades eux-mêmes avec les paroles suivantes :
« Nos malades aussi se persuaderont qu’ils ne sont pas dans l’infirmerie et dans le lit, seulement pour y être médicamentés et guéris, mais aussi pour y enseigner, comme dans une chaire de prédicateur, du moins par leur exemple, les vertus chrétiennes, particulièrement la patience et la conformité au bon plaisir de Dieu ; et ainsi édifier tous ceux qui les visiteront ou assisteront ; en sorte que leur vertu se perfectionne dans leur infirmité » (VI, 3).
Durant ce temps de l’Avent, découvrons tous de plus en plus dans nos communautés, familles et groupes, le « trésor vivant » que sont nos malades et personnes âgées. Ils sont la présence vivante de Jésus parmi nous. Ils sont Jésus, à qui nous devons tout notre amour, tous les soins que nous pouvons humainement offrir. Ils restent nos maîtres, nos modèles et notre soutien dans la construction d’un avenir lumineux et plein d’espérance, car c’est Jésus qui nous parle à travers eux, nous indiquant sur quelles fondations nous sommes invités à construire nos rêves, nos espoirs et nos objectifs. Il ne faut pas succomber à la mentalité de certains secteurs de la société qui considèrent les personnes âgées et malades comme les déchets de la société : une fois passé l’éphémère moment de joie, il ne reste que le chagrin, la désillusion, la frustration et une vie dénuée de sens.
Vincent de Paul, en devenant un « mystique de la Charité », a compris et vécu la relation avec les malades et les personnes âgées à l’exemple de Jésus.
Puisse ce temps de l’Avent nous conduire toujours plus dans les profondeurs du message de Jésus concernant les malades et les personnes âgées, afin qu’en nous préparant à célébrer la naissance de notre Sauveur, nous construisions avec eux un avenir lumineux et plein d’espérance dans la lumière de sa présence.
Votre frère en saint Vincent,
Tomaž Mavrič, CM
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