La famille vincentienne dit sa vérité à l'ONU

John Freund, CM
17 décembre, 2018

La famille vincentienne dit sa vérité à l’ONU

par | Déc 17, 2018 | Actualités, Famille Vincentienne, Formation, Les Nations Unies | 0 commentaires

La famille vincentienne profite de son statut d’organisation non gouvernementale auprès de l’ONU pour dire sa vérité sur son expérience de personnes sans logement (sans toit) et sans accès à un logement convenable. Fort de son expérience personnelle, il formule également des recommandations spécifiques pour que les politiques sociales répondent à ces besoins.

Ils suivent les traces de Vincent, qui a souvent dit la vérité au pouvoir dans la France du XVIIe siècle. La déclaration est un bon exemple de collaboration pour parvenir à un changement systémique.

La Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, la Congrégation de la Mission, l’Association Internationale des Charités, la Confédération Internationale de la Société de Saint Vincent de Paul et la Fédération des Soeurs de la Charité, des organisations non gouvernementales dotés du statut consultatif auprès du Conseil économique et social, ils ont proposé la déclaration suivante pour enregistrement.

Le texte se lit comme suit :

Au moment où la Commission de la condition de la femme examine « les systèmes de protection sociale, l’accès aux services publics et les infrastructures durables au service de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles », lors de sa soixante-troisième session, les organisations soussignées dotées du statut consultatif spécial auprès du Conseil économique et social souhaitent appeler l’attention de la Commission sur le fait qu’il importe au plus haut point d’aborder le problème multiforme de l’exclusion en matière de logement et du sans-abrisme des femmes et des filles. Il s’agit d’un élément central dans le traitement des questions de protection sociale et dans la progression vers la réalisation des objectifs de développement durable d’ici à 2030, élément qui englobe des préoccupations relatives à la problématique femmes-hommes auxquelles il convient de répondre.

Nous invitons instamment la Commission à se pencher sur la question du sans- abrisme et de l’accès à un logement convenable lors de ses débats sur les politiques  de protection sociale :

En demandant aux États Membres de  fournir un hébergement sûr et accessible  à tous, sans distinction fondée sur le sexe, l’âge, le handicap ou la situation juridique, institutionnelle ou socioéconomique ; et de mesurer l’ampleur du sans-abrisme, notamment chez les femmes qui vivent dans la rue, et d’en suivre l’évolution ;

En priant instamment les parties prenantes régionales et mondiales d’encourager les efforts menés pour évaluer les progrès accomplis en vue de mettre véritablement fin au sans-abrisme dans tous les pays, y compris d’appuyer le recensement des sans- abri, en particulier de ceux qui vivent dans la rue, recensement assorti de données ventilées, afin de donner aux États Membres un repère à partir duquel ils pourront constater les progrès accomplis dans la réalisation progressive du droit au logement.

Le sans-abrisme touche toutes les catégories de personnes : femmes et hommes, familles avec enfants, jeunes, personnes âgées ou personnes handicapées. Il concerne la plupart des pays du monde, riches ou pauvres. Ce phénomène a de lourdes conséquences préjudiciables pour les individus et pour les villes, et en particulier pour les femmes.

Toutes les organisations non gouvernementales dotées d’un statut consultatif auprès du Conseil économique et social qui ont conjointement élaboré la présente déclaration sont au service des personnes économiquement pauvres et fragiles et les défendent, à l’échelle internationale. Quelques exemples des activités menées par l’Association internationale des charités mettent en lumière certaines préoccupations qu’ont les femmes sans-abri.

À Madagascar, le projet intitulé « Un toit d’abord », a débuté en 2007 à Manakara, pour des femmes sans-abri, souvent des mères célibataires qui sont veuves ou qui ont été abandonnées par leur mari, et qui se sont retrouvées à la rue. Ces femmes sont exclues des logements en raison de lois discriminatoires, en particulier du droit successoral qui dispose que le foyer conjugal devient la propriété de la famille du mari à la mort de celui-ci, et non celle de sa femme.

À La Chacarita (Paraguay), un projet aide les femmes à suivre un enseignement primaire jusqu’au bout et à notamment apprendre à cuisiner et à coudre afin de pouvoir fabriquer et vendre des sacs à pain en tissu. Ces femmes sont néanmoins touchées par les inondations et d’autres facteurs environnementaux dans la zone, événements qui gagnent en intensité. Les autorités doivent aider les habitants à se réinstaller dans une zone sûre afin que ceux-ci puissent continuer leurs apprentissages et obtenir des moyens de subsistance.

Depuis 14 ans, à Antibes (France), un groupe dirige un refuge qui compte cinq studios qui offrent un hébergement temporaire aux femmes victimes de violence domestique. L’objectif est que ces femmes puissent, à l’issue de leur séjour, trouver par elles-mêmes un emploi salarié et leur propre logement. L’offre ne peut cependant pas répondre à la demande et, souvent, les femmes qui ont plus d’un enfant ne peuvent pas être accueillies.

À Turin (Italie), plusieurs groupes mènent des projets avec des femmes sans- abri ou des migrantes qui viennent d’arriver dans la région et qui risquent de se retrouver à la rue. Les femmes, et surtout les jeunes filles, sont exposées à la traite si elles errent dans les rues, si elles n’ont pas de logement sûr et si elles ne peuvent apprendre l’italien ni avoir les moyens de gagner leur vie.

En outre, dans le monde entier, il existe de nombreux exemples de collaboration entre Les filles de la Charité, Les Sœurs de la Charité et l’Association internationale des charités qui s’emploient à fournir un logement aux femmes âgées abandonnées par leur famille. Les besoins des femmes âgées dépassent de loin les ressources nécessaires pour les loger comme il convient. Les femmes âgées constituent l ’un des groupes démographiques de sans-abri dont le nombre augmente le plus rapidement.

Après avoir examiné les thèmes prioritaires de la dernière décennie et à mesure que nous avançons rapidement vers le vingt-cinquième anniversaire du Programme d’action de Beijing, nous notons qu’il n’a guère été mis d’accent sur la question des femmes sans-abri. Pourtant, nous savons que cette question est essentielle pour parvenir à un niveau de vie suffisant et pour réaliser les droits fondamentaux de l’homme tels que définis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (Assemblée générale de 1948), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Assemblée générale de 1966) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (1979). Le droit à un niveau de vie suffisant, y compris à une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu’à l’accès à l’éducation et aux soins de santé, est reconnu dans ces documents.

L’ONU reconnaît déjà, dans plusieurs accords, le rôle essentiel du logement et de l’hébergement.

  • Cible 1 de l’objectif de développement durable no 11 : « D’ici à 2030, assurer l’accès de tous à un logement et des services de base adéquats et sûrs, à un coût abordable, et assainir les quartiers de taudis ».
  • Nouveau Programme pour les villes de 2016 : « Nous prendrons des mesures destinées, d’une part, à améliorer les conditions de vie des sans-abri, de manière à faciliter leur pleine participation à la vie de la société, et, d’autre part, à éviter ou à éliminer le problème des sans-abri ».
  • Déclaration d’Istanbul sur les établissements humains de 1996 : « (…) [de façon à fournir à] tous, à un prix abordable, un logement convenable et accessible, offrant des conditions d’hygiène et de sécurité acceptables et doté des services, équipements et autres aménagements essentiels ».

S’il est clairement reconnu que le  logement et l’hébergement sont essentiels à  la réalisation du potentiel humain, la Commission de la condition de la femme ne se penche pas sur cette question importante en mettant l’accent sur les besoins spécifiques des femmes et des filles. Lors de la présente session consacrée aux questions de protection sociale, une discussion doit avoir lieu pour combler cette lacune et pour que personne ne soit laissé pour compte à mesure que la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 progresse.

Un logement convenable est un élément essentiel de la protection sociale. Les socles de protection sociale sont conçus pour protéger les personnes et les pays contre les chocs et autres difficultés en offrant un niveau de vie suffisant et décent aux populations vulnérables. Le logement doit être considéré non seulement comme un élément qui assure un revenu de base et l’accès aux soins de santé, mais aussi comme un élément essentiel qui permet de garantir à toutes et à tous un niveau de vie de base. D’après la déclaration de la société civile intitulée Social Protection: A Coherent Strategy for Shared Prosperity (Protection sociale : une stratégie cohérente pour une prospérité commune), il est évident que les personnes ne peuvent contribuer pleinement au développement de la société si elles doivent se battre pour survivre. Partout dans le monde, les sans-abri risquent leur vie et sont exposés à d’autres problèmes en ce qui concerne leur santé, leur capacité à gagner un revenu de base et leur acquisition d’autres éléments essentiels à la vie. Le sans-abrisme affaiblit les femmes et s’avère souvent mortel pour elles.

En conclusion, nous prions instamment les États Membres et la Commission de la condition de la femme de prendre des mesures pour que les femmes sans-abri soient incluses dans ce débat en inscrivant cette question dans la discussion sur les socles de protection sociale et en étudiant les problèmes que le sans-abrisme représente pour  les femmes et pour la réalisation des objectifs énoncés dans l’appel lancé, dans le Programme 2030, en faveur de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes et des filles, ainsi que de l’élimination de la pauvreté. Nous demandons que le sans- abrisme soit clairement mesuré à l’échelle mondiale ; qu’un objectif commun de réduction et, à terme, d’élimination du sans-abrisme soit fixé ; et que la formation d’un mouvement mondial visant à promouvoir des stratégies efficaces auprès des États Membres soit soutenue.

Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul
Congrégation de la Mission
Association internationale des charités
Confédération internationale de la Société de Saint-Vincent de Paul
Fédération des Soeurs de la Charité

Que chacun de nous dans la Famille Vincentienne sache tirer parti de toutes les occasions qui se présentent à nous pour être « la voix des pauvres » dans nos sphères d’influence locales.

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