La femme chrétienne
Conférences de Notre-dame de Paris, du Père Lacordaire, TOME DEUXIÈME, p. 548, 551
A la femme chrétienne par une délation spéciale, comme emploi de ses loisirs et de la surabondance de ses vertus, ont été confiés tous les pauvres, toutes les misères, toutes les plaies, toutes les larmes. C’est elle qui, au nom et au lieu de Jésus-Christ, doit visiter les hôpitaux et les greniers, découvrir les gemissemens, explorer le royaume si vaste de la douleur. A d’autres le dévouement de la doctrine, à elle le dévouement des secours. A d’autres de représenter Jésus-Christ par le glaive de la parole, à elle de le représenter par le glaive de l’amour.
Voulez-vous, sans faire de phrases, car il y eu aurait trop à faire, voulez-vous arriver à une comparaison qui dira tout d’un seul mot ? Eh bien, entre le monde païen et le monde chrétien, il y a la même différence qu’entre la prêtresse de Vénus et la sœur de saint Vincent de Paul. Allez a ce fameux temple de Corinthe, et voyez-y la femme ; entrez dans nos hôpitaux, et voyez-y la sœur de charité! Ce sont là les deux mondes : choisissez.
… Il y a sur la terre trois faiblesses : la faiblesse da dénuement, c’est le pauvre ; la faiblesse du sexe, c’est la femme ; la faiblesse de l’âge, c’est l’enfant. Ces trois faiblesses sont la force de l’Église, qui a fait alliance avec elles, et les a prises sous sa protection en se mettant sous la leur. Cette alliance a changé la face de la société, parce que jusque-là le faible avait été sacrifié au fort, le pauvre au riche, la femme à l’homme, l’enfant à tous. L’Église, en alunissant à la faiblesse contre ceux qui sont pourvus de la triple force du patrimoine, de la virilité et de la maturité, a remis en équilibre tous les droits et tous les devoirs. L’égoïsme, toutefois, ne se tient pas pour vaincu ; plus ou moins déguisé, il cherche à rétablir l’ordre païen sur les ruines de l’ordre chrétien, c’est-à-dire la domination oppressive de la force sur la faiblesse. Y réussira-t-il ? Rompra-t-il le faisceau qui retient dans l’unité de l’Église le pauvre, la femme et l’enfant ? Je suis sûr que non : car sous les mains débiles que je viens de nommer, il y a la main de Dieu, la main de Jésus-Christ, la main de la bienheureuse Vierge Marie, toute la puissance de la raison, de la justice et de la charité.
Jean-Baptiste-Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861) était un prédicateur renommé et restaurateur de l’Ordre des Prêcheurs (les Dominicains) en France. Il était un grand ami de Frédéric Ozanam (en fait, il est l’auteur d’une biographie très intéressante sur Ozanam) et très proche de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Image : Lacordaire, peint par Louis Janmot (1814-1892), ami de Frédéric Ozanam et l’un des premiers membres de la Société de Saint-Vincent de Paul.
*Source: R. P. H.-D. LACORDAIRE CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS. TOME DEUXIÈME. Auteur : Jean Baptiste Henri Dominique Lacordaire.
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