Conférences de Carême du P. Lacordaire n°20
La grande loi du repos
Conférences de Notre-dame de Paris, du Père Lacordaire, TOME DEUXIÈME, p. 302-303
[À propos de la suppression du jour de repos du sabbat] Qu’est-il arrivé ? La grande loi du repos, cette Charte primitive de l’humanité, antérieure même à notre chute, la loi du repos a été sacrifiée aux vœux du fabuliste et aux chiffres des économistes. Eh bien, je vous le demande, le pauvre est-il plus riche, plus libre, moins asservi à ses maîtres, mieux portant, plus moral et plus heureux ? A qui l’abolition de la Charte du repos a-t-elle profité, sinon à ceux qui font travailler les autres, et qui n’ont pas besoin de repos ? Le pauvre s’en apercevra tôt ou tard ; il reconnaîtra qu’en voulant l’affranchir d’un devoir évangélique, on lui a ravi un droit précieux, qui était caché derrière, qu’on a trompé sa bourse, sa santé, son esprit et son cœur. Il reviendra vers son ancien maître, Jésus-Christ, qui se connaissait aux droits du pauvre, parce qu’il avait été pauvre lui-même ; il baisera de nouveau sa croix, mouillée des larmes de tous ceux qui souffrent, et il lui dira, dans un amour plus grand encore que par le passé : Je viens à vous, qui n’avez jamais trompé l’enfant du pauvre ! C’est à l’aide de la société catholique que Jésus-Christ, fondateur premier et dernier d’un droit-principe, d’un droit immuable, d’un droit universel, a opéré et propagé cette grande révolution sociale. … Les erreurs de notre esprit nous ont éloignés de la vérité depuis un siècle ; notre cœur nous y ramène à coup sûr, quoique lentement. Une fois que l’expérience sera faite, et qu’en dehors de l’Évangile, tout autre droit sera reconnu un droit égoïste, le grand jour de la foi se lèvera de nouveau sur la France. Et si cette résurrection, présagée par tant d’augures heureux, ne se réalisait pas ; si l’Évangile et la patrie se séparaient enfin, c’en serait fait de nous, parce que c’en serait fait de notre caractère national. La France ne serait plus qu’un lion mort, et on la traînerait, la corde au cou, aux gémonies de l’histoire.
Jean-Baptiste-Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861) était un prédicateur renommé et restaurateur de l’Ordre des Prêcheurs (les Dominicains) en France. Il était un grand ami de Frédéric Ozanam (en fait, il est l’auteur d’une biographie très intéressante sur Ozanam) et très proche de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Image : Lacordaire, peint par Louis Janmot (1814-1892), ami de Frédéric Ozanam et l’un des premiers membres de la Société de Saint-Vincent de Paul.
*Source: R. P. H.-D. LACORDAIRE CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS. TOME DEUXIÈME. Auteur : Jean Baptiste Henri Dominique Lacordaire.
0 commentaires