Il n’y a rien de plus doux que d’aimer
Conférences de Notre-dame de Paris, du Père Lacordaire, TOME DEUXIÈME, p. 120-121
Dieu sème une graine de vertu dans l’âme à travers la parole : Si quelqu’un d’entre vous veut être le premier, qu’il soit le dernier, et qui veut être le plus grand, qu’il soit votre serviteur, à l’exemple du Fils de l’Homme, qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir.(1) Vous vous plaignez d’être esclaves, vous ne savez pas ce que vous dites : on est esclave quand on sert malgré soi ; servez de votre propre gré, l’esclavage sera détruit. On vous a dit que le plus grand malheur et la plus grande honte c’était la servitude, et moi je vous dis : Faites de la servitude un acte d’amour ; ce qui était ignominie deviendra gloire, ce qui était esclavage deviendra dévouement, ce qui était la dernière chose deviendra la première, ce qui était le comble de l’infortune deviendra de l’extase.
Ne savez-vous pas qu’il n’y a rien de plus doux que d’aimer ? Et quand on aime on se donne, quand on se donne on sert, et quand on sert par amour on est heureux. Servez donc en aimant, que vous manquera-t-il ? Il est vrai que l’ordre a été interverti, parce que c’est l’amour qui précède le service, et qu’ici le service a précédé l’amour : mais que vous importe ? Rétablissez l’ordre en aimant ; pourvu que le service et l’amour soient ensemble, le mystère de la béatitude est accompli.
Vous donc, ô vous tous, mes frères les esclaves, faites une sainte république d’amour, aimez-vous les uns les autres, et aimez vos maîtres dans l’amour commun que vous vous porterez ; vous finirez par les désarmer, par leur persuader de vous aimer aussi et de s’aimer entre eux. Rien n’est contagieux comme la vertu arrivée à l’état d’amour. Vos maîtres vous tenaient pour des ennemis, ils avaient encore plus de peur que de haine à votre égard ; quand ils verront que vous les aimez et que vous les servez librement, leurs yeux s’ouvriront, votre liberté naîtra d’elle-même comme un fruit nait de son arbre et tombe de soi quand il est mûr.
(1) Saint Mathieu, chap. 20, vers. 26, 27, 28.
Jean-Baptiste-Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861) était un prédicateur renommé et restaurateur de l’Ordre des Prêcheurs (les Dominicains) en France. Il était un grand ami de Frédéric Ozanam (en fait, il est l’auteur d’une biographie très intéressante sur Ozanam) et très proche de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Image : Lacordaire, peint par Louis Janmot (1814-1892), ami de Frédéric Ozanam et l’un des premiers membres de la Société de Saint-Vincent de Paul.
*Source: R. P. H.-D. LACORDAIRE CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS. TOME DEUXIÈME. Auteur : Jean Baptiste Henri Dominique Lacordaire.
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