Conférences de Carême du P. Lacordaire n°5
Le christianisme est à l’intérieur de chacun
R. P. H.-D. LACORDAIRE, CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS, TOME PREMIER, p. 190-191
Le christianisme n’est pas ce que vous vous figurez peut-être ; ce n’est pas une loi particulière donnée à quelques hommes dans un coin du globe, et répandue ensuite en tous lieux par la prédication de l’Église. Indépendamment de ce que le témoignage divin est aussi ancien que l’humanité, on doit confesser que le christianisme est révélé à quiconque vient à la vie. C’est du christianisme que saint Jean a dit : Il était la lumière véritable qui illumine tout homme venant en ce monde ; il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu ; il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu(1), Quand le christianisme frappe à la porte de votre âme, ah ! ne croyez pas que ce soit un étranger qui vous demande l’hospitalité. Non, il revient dans une famille qui est la sienne, dans une maison qu’il a bâtie ; il sait le coin de votre cœur où il a laissé sa trace … Le christianisme intérieur se trahit malgré vous dans vos actes. Chaque fois que vous faites une bonne action, et qui peut désespérer de soi jusqu’à penser qu’il n’en fera jamais une seule ? chaque fois que vous faites une bonne action, vous affirmez les dogmes du christianisme, vous en êtes les involontaires apôtres. Chaque fois que vous donnez un verre d’eau à un pauvre, fussiez-vous l’athée le plus déclaré, vous affirmez que Dieu existe ; vous affirmez Dieu créateur du monde et père au fond du ciel ; vous affirmez l’homme coupable et la réparation ; vous affirmez que Dieu n’est pas indifférent au bien, qu’il jugera, et qu’au jour de sa justice un verre d’eau sera compté.
Insensés, ou plutôt infortunés, vous attaquez le christianisme et vous ne voyez pas la contradiction perpétuelle où vous êtes avec vous-mêmes ? Chacune de vos bonnes œuvres confesse l’existence du bien et du mal, et vous ne pouvez confesser l’existence du bien et du mal sans confesser les vérités chrétiennes, puisque toutes les autres vérités découlent de celle-là. Non, le christianisme n’est pas une doctrine qui tombe au milieu des peuples, on ne sait pourquoi, comme ces aérolithes autour desquels les savants se rassemblent et composent des systèmes. Non, cet aérolithe du christianisme n’est point tombé du ciel, inattendu ; il était dans notre conscience. De même que l’aiguille aimantée se tourne toujours vers le pôle, à quelque distance qu’elle en soit : de même il y a dans notre cœur un aimant qui le fait se tourner du côté du véritable nord, c’est-à-dire vers Dieu, le père, le réparateur, le sanctificateur.
(1) St Jean, Chap. I, vers. 9 et suiv.
Jean-Baptiste-Henri-Dominique Lacordaire (1802-1861) était un prédicateur renommé et restaurateur de l’Ordre des Prêcheurs (les Dominicains) en France. Il était un grand ami de Frédéric Ozanam (en fait, il est l’auteur d’une biographie très intéressante sur Ozanam) et très proche de la Société de Saint-Vincent-de-Paul.
Image : Lacordaire, peint par Louis Janmot (1814-1892), ami de Frédéric Ozanam et l’un des premiers membres de la Société de Saint-Vincent de Paul.
*Source: R. P. H.-D. LACORDAIRE CONFÉRENCES DE NOTRE-DAME DE PARIS. TOME PREMIER. Auteur : Jean Baptiste Henri Dominique Lacordaire. Publié en 1853
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