Lettre encyclique « Fratelli Tutti » : Résumé et commentaire (2ème partie)
À la veille de la fête de saint François d’Assise, le 4 octobre 2020, le Pape François a publié sa troisième encyclique : ‘Fratelli tutti‘.
En tant que responsable au sein d’une congrégation internationale qui remplit une mission claire dans le monde, plus particulièrement dans le monde de l’éducation et de la santé, sur la base de son propre charisme, le Fr. René Stockman propose ici un bref résumé de chaque chapitre, suivi d’une réflexion plus personnelle.
Chapitre 2 : Un étranger sur le chemin
Dans un style ignatien typique, le pape François dissèque, en tant qu’orientation réflexive, la parabole du Bon Samaritain pour développer un chemin de véritable amour social et de solidarité. Se référant à la question que Dieu posa à Caïn après avoir tué son frère Abel, « Où est ton frère? » (Gen. 4, 9) avec la réponse surprenante: « Est- ce que je suis, moi, le gardien de mon frère ? » on est renvoyé au cœur du problème: on peut se retirer tragiquement des attentions pour l’autre, pour le prochain. De ce point de vue, la tradition juive a élevé l’amour pour le prochain comme un commandement. Mais cela était encore trop limité aux membres de la propre tribu. C’est cette limitation que Jésus brise radicalement avec la parabole du Bon Samaritain et fait du commandement de l’amour un commandement universel qui n’exclut personne. Le souvenir d’avoir été eux-mêmes étrangers aida déjà les Juifs à développer une préoccupation spécifique pour les étrangers.
La parabole décrit un contraste marqué entre ceux qui se comportent selon les règles et continuent leur chemin sans être dérangés et le Samaritain qui se laisse toucher par l’étranger sur la route. La question que pose alors Jésus à qui on veut s’identifier, est donc une question de confrontation. Aujourd’hui nous devons conclure que nous avons fait de grands progrès dans de nombreux domaines, mais que nous restons souvent analphabètes en ce qui concerne la prise en charge concrète de nos semblables dans le besoin. Souvent, pour beaucoup la principale préoccupation reste de ne pas vouloir être dérangé par les problèmes des autres. Le seul chemin qui nous reste cependant, est précisément celui emprunté par le Samaritain: s’ouvrir au prochain vulnérable et empêcher d’évoluer vers une société où les faibles sont exclus. En fait, l’indifférence à la souffrance de nos prochains va à l’encontre de notre nature humaine, car nous avons été créés en tant qu’êtres humains et sommes appelés à devenir de plus en plus des prochains l’un de l’autre. Chaque jour nous sommes confrontés à la même histoire, et la question est de savoir quel choix nous faisons: celui du prêtre et du lévite qui, indifférents à la souffrance de l’autre, poursuivent leur chemin, ou celui du Samaritain qui est touché par la souffrance de l’autre. Ce sont ces deux groupes de personnes que nous rencontrons aujourd’hui. L’histoire du Bon Samaritain reste donc une histoire très d’actualité.
En fait, l’histoire commence avec des bandits qui attaquent cette personne. Cela reste également une réalité regrettable de voir combien il y a d’agressions aujourd’hui et où des hommes sont victimes. Comment gérons-nous cela, que faisons-nous pour éviter cela et que faisons-nous pour aider les victimes de cette agression.
Le plus frappant est que Jésus utilise l’exemple même d’un prêtre et d’un lévite, deux religieux supposés respecter strictement les commandements. Ici, il souligne le danger de s’engager uniquement dans le culte au sein de l’Église, tout en négligeant en même temps le souci concret des autres. Croire en Dieu et l’adorer dans l’église ne garantit pas de vivre vraiment Sa volonté. Les paroles de saint Jean Chrysostome sont frappantes, lorsqu’il indique que nous préférerions adorer une statue de Jésus magnifiquement habillée plutôt qu’un Jésus nu sur la croix.
Ceux qui, comme le prêtre et le Lévite, ferment les yeux sur la souffrance de celui qui est tombé entre les mains de bandits, deviennent complices du crime qui s’est produit! Ils continuent pour ainsi dire, ce crime. Quelque chose à réfléchir profondément.
Parfois, nous entendons dire que la sécurité et le soin des autres êtres humains dans le besoin sont la responsabilité du gouvernement, de la société en tant que telle. C’est vrai, mais cela ne doit pas nous empêcher de retrousser nos manches lorsque nous rencontrons une personne souffrante. Rejeter la responsabilité reste une erreur. Au contraire, il est important, comme l’a fait le Samaritain, d’impliquer et d’encourager les autres à nous aider à prendre soin les uns des autres. Parce qu’ensemble, nous pouvons toujours faire plus que seuls.
Il est également frappant qu’aucune parole de remerciement ne soit prononcée dans la parabole. Le Samaritain part sans attendre la réponse de la personne qu’il a aidée. Le dévouement au service même lui donne la plus grande satisfaction, cela lui suffit, car il ne faisait que son devoir.
L’histoire du Bon Samaritain renverse toutes les restrictions qui s’étaient glissées dans le commandement de l’amour. Toutes les frontières culturelles et historiques y sont abolies. Chacun doit se sentir appelé à devenir le prochain de l’autre, sans limite. Bien sûr, c’était aussi fort que Jésus prenait comme exemple un Samaritain, celui qui était considéré par les Juifs comme impur et devait donc être évité. Des ponts sont donc construits des deux côtés!
Une dernière considération est le fait que cette parabole doit toujours être lue conjointement avec les critères de jugement dans lesquels Jésus déclare que tout ce que l’on fait aux plus pauvres et aux plus faibles est fait à Lui-même. Jésus même est présent dans chaque frère et sœur qui sont abandonnés et exclus.
Il a aussi fallu un certain temps à l’Église pour rejeter toute forme d’esclavage et certaines formes de violence, mais avec le développement actuel de la théologie dans ce domaine, nous n’avons plus d’excuses. Par conséquent, il est de notre devoir de rejeter fermement toute forme de nationalisme exclusif et de xénophobie.
La parabole du Bon Samaritain est aussi une véritable icône pour notre Congrégation où notre charisme de charité est très présent. Ce n’est pas sans raison que cette scène a été choisie pour le vitrail qui a été placé dans la Basilique nationale de Koekelberg à Bruxelles à l’occasion du 150ème anniversaire de la Congrégation. Nous pouvons également la trouver sur la pierre commémorative qui a été placée dans la chapelle des frères à Eindhoven, sur un vitrail de notre maison de repos communautaire à Zelzate et sur le tabernacle de notre noviciat international à Nairobi. Mais en même temps nous sommes constamment appelés à rejeter et à transcender toutes les limites de notre charité. Et puis il s’agit de l’amour concret que nous devons donner à nos prochains dans le besoin qui croisent notre chemin, comme la manière dont nous, en tant que communauté, sommes ouverts aux pauvres de notre quartier, la manière dont nous continuons à donner une réelle priorité à nous soucier des moindres et aussi les laisser déterminer nos choix.
Fr. René Stockman,
Supérieur général des Frères de la Charité.
Source: Site des Frères de la Charité.
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