La Maison Mère de Paris fête ses 200 ans: “Au coeur de la ville, un coeur missionnaire”

par | Juin 15, 2018 | Actualités, Congrégation de la Mission | 0 commentaires

La célébration de l’Eucharistie ouvre le colloque : « 200 ans de la Maison Mère : « au cœur de la ville, un cœur missionnaire ». La Messe est célébrée en l’honneur de Marie mère de l’Eglise ainsi que le pape François vient de l’instituer et nous avons terminé en faisant un court pèlerinage aux autels des saints pères CLET, PERBOYRE puis à la chasse de St Vincent de Paul. Pour rejoindre la salle Baude, nous traversons la salle communautaire où quelques photos et originaux de lettres ou de divers textes sont exposées ainsi que l’exposition réalisée pour l’ONU à Genève, par la Société Saint Vincent de Paul et les Filles de la Charité. Salle Baude quelques 100 personnes trouvent place, nombre de laïcs, de Filles de la Charité, des lazaristes et de fidèles habitués de la Chapelle.

Sr MARVAUX, FDLC de la maison de Lyon, animatrice et coordinatrice, nous présente la journée et donne quelques détails pour la vivre, puis elle invite le père Mauvais, provincial de France, à ouvrir le colloque. Il rappelle que c’est en novembre 1817 que les confrères s’installent dans le quartier et il insiste sur le fait que la journée tout en faisant mémoire du passé, en rappelant le dynamisme missionnaire des confrères qui l’ont habité, souhaite nous projeter vers demain. Déjà notre maison du 95 continue de relever des défis de formation (l’Université Saint John, le foyer d’étudiants des doctorants, l’accueil de la bibliothèque d’Etudes Augustinienne) ; elle soutient des initiatives de solidarité telles l’accueil de l’APA qui vit des collocations entre personnes en précarité et personnes insérées, la préparation de l’accueil de jour de femmes en précarité, l’ouverture d’un jardin d’enfants avec le quartier. En nous mettant à l’écoute de l’histoire, Il nous souhaite, de retrouver le goût missionnaire de nos aînés afin que le Saint Lazare d’aujourd’hui continue d’avoir un cœur qui bat pour Jésus et qu’ainsi, il donne vie à l’environnement.

Sœur Marvaux nous rappelle ensuite que les personnages abordés dans ce colloque s’échelonnent de 1787 à 1956, c’est-à-dire qu’ils retracent l’histoire de la Congrégation depuis la Révolution, lors des périodes des révoltes de 1830 et celle des deux grands conflits mondiaux.

Avant de nous retrouver dans ce nouveau saint Lazare, notre seconde Maison Mère, c’est par le grand conflit autour de la lutte contre le jansénisme que le Père Mezzadri (malheureusement privé de transports et qui ne peut être là) nous propose, par manière de transition et d’introduction, la première crise vécue par la Congrégation. Alors que les confrères sont nombreux dans les séminaires et que la réception de cette bulle donne lieu à de vives tensions dans l’Eglise de France, des évêques prennent parti en appuyant ou en refusant d’ordonner des candidats au sacerdoce dont on ne peut assurer la rectitude doctrinale de leurs professeurs. Ceci entraine la fermeture de séminaires et instille la crainte chez les confrères polonais et italiens, estimant que la Congrégation ne soit associée à un conflit essentiellement français. Mais comme ni le droit ni les coutumes n’exigent que la maison générale soit transférée à Rome, la fondation, les restes du fondateur et le plus grand nombre de communauté étant en France, tout cela oriente vers son maintien sur Paris ; c’est l’Assemblée Générale de 1724 qui tranche en faveur de son maintien en France.

Nous entrons alors dans l’histoire de la Maison-Mère/ 95, Rue de Sèvres, à partir de l’évocation de 10 confrères : 2 supérieurs généraux, 7 prêtres et un frère.

Pour les supérieurs généraux ce sont les pères Etienne et Boré sur lesquels porte notre attention.

Tout d’abord Monsieur Etienne, qui sera Supérieur Général durant 31 ans, sans compter sa période de procureur qui lui donnait une mission importante. Homme de tempérament, politique dans l’âme, malgré la dernière biographie qui émet des réserves sur sa direction, nous ne pouvons que constater qu’il a organisé 14 nouvelles provinces lazaristes, et verra les Filles de la Charité passer de 6.000 à 20.000, au terme de son mandat. C’est lui qui inaugurera le Berceau avec le concours de 30.000 personnes. Durant son supériorat, il devra faire la déclaration de reconnaissance de l’infaillibilité pontificale, ses silences pouvant être reçus comme une forme de gallicanisme. Face à la croissance de la Compagnie, il utilisera la Maison-Mère comme modèle à reproduire dans le monde, ce qui lui attirera des inimitiés.

Monsieur Boré qui lui succède est un orientaliste de renom. Sa vocation naît par la rencontre d’un père lazariste alors qu’il voyage en Orient, fervent adepte de sa passion. Il est rapidement ordonné avant d’être affecté en Turquie et de travailler avec la communauté arménienne. Durant la guerre de Crimée, il fait appel aux Filles de la Charité pour soigner malades et blessés. Il est remercié de son excellent travail par le sultan qui ordonne la construction de l’hôpital de la Paix, siège de l’actuelle communauté des Filles de la Charité dans ce pays. Il ne gouvernera la congrégation que quatre ans. Un historien contemporain l’a jugé fort peut apte à l’administration. Une appréciation que nous pouvons pondérer si nous remarquons que son sens politique lui a fait choisir Monsieur Fiat comme assistant, celui qu’une Assemblée Générale choisira comme son successeur.

Nous entrons en familiarité avec les pères Jean, David, Perboyre, Pouget, Portal et le frère Carbonnier. Tous des hommes passionnés de leur sciences et habités par l’Esprit.

Si l’on parle de Monsieur Jean, c’est un autre orientaliste de renom, qu’internet ignore, alors que ses recherches ont servies aux études des langues anciennes akkadiennes et sumériennes. Il va découvrir de nombreuses tablettes des deuxième et troisième millénaires avant notre ère. Convaincu que notre culture occidentale est née de ces pré-cultures, Il n’a de cesse de revisiter la Bible avec toutes les trouvailles qu’il fait. Il montre les liens entre les textes bibliques et les savoirs des cultures environnantes, accompagnant la naissance de l’idée de «milieu biblique» pour expliquer la culture dont la Révélation est porteuse.

Le Père David ce basque au bon pied, au jarret aguerri, est naturaliste. Il peine à obtenir un départ en Chine, développe ses talents scientifiques en Italie ; passionné de missions, il peut finalement partir en Chine. A son premier retour de Chine sur Paris il rencontre des scientifiques à qui il parle de sa passion pour la nature chinoise ; ses aptitudes reconnues, il reçoit de l’argent pour organiser une expédition scientifique en Chine. Parti pour fonder des écoles on acceptera qu’il fasse des expéditions scientifiques ; il a ainsi l’occasion de découvrir près de 200 espèces végétales et animales découvrant et sauvant le panda géant et le cerf chinois. Sa découverte du panda est devenue l’animal-emblématique de la diplomatie chinoise. La ville où il a découvert le panda porte aujourd’hui le nom de « nouveau David ». De retour en France, il n’aura de cesse de partager ses découvertes et reconnaissait que la Chine n’avait pas besoin de l’Europe tout en disant sa joie de voir tant de chinois devenir chrétiens.

Vient ensuite le Père Pouget spécialisé en exégèse. L’étude du Pentateuque lui permet de dégager ses principes de lecture historique de la Bible. Il se démarque du rationalisme tout en épousant la lecture historico-critique. Ses cours articulent révélation et humanité dans la perspective historique dans laquelle la foi prend un sens. Il estime que l’on doit penser la théologie dans l’histoire, à partir du concret, plutôt que par le magistère. Rapidement devenu aveugle il en profitera pour approfondir sa rumination épuisante, en continuant à travailler à cette nouvelle compréhension de l’Ecriture qui inspirera les textes de Vatican II et notamment, l’ouverture faite par st Jean XXIII.

Monsieur Portal quant à lui, rejoint la Congrégation pour partir en Chine et c’est comme professeur de Bible qu’il commence à Nice. Des raisons de santé lui permettent de rejoindre la Mission en Espagne. Il y rencontre Lord Halifax à qui il souhaite transmettre la passion du catholicisme. Il fonde une revue de dialogue qui produira 50 numéros, et il se déclare favorable à la reconnaissance de la validité des ordinations anglicanes. Mis Léon XIII, réputé pourtant ouvert, en décide autrement. Suite à cela il lui est demandé de ne plus rencontrer Lord Halifax et il est reconduit en France pour reprendre la tâche de formation des séminaristes. Ce n’est que vingt ans plus tard que le Cardinal Mercier reprendra le dialogue et en secret.

Il rentre sur Paris et participe au renouveau des études des séminaires tout en portant son attention à la foi dans le monde étudiant. Il fonde les groupes « TALA », jeunes universitaires chrétiens. Avec Mme Galice une mystique initiatrice d’une association de laïcs vivant en proximité de pauvres dans les quartiers défavorisés, il intègre les jeunes dans les activités que déploie son patronage.

Il aura de l’influence sur Marcel Legault, Teilhard de Chardin, Vincent Lebbe. Il s’installe rue de Lourmel où il va mourir. Il voulait pousser ailleurs pour trouver de nouvelles frontières. Tout ce qu’il a fondé à disparu, la nouvelle revue « le séminaire », la revue catholique », la rue de Grenelle, et même la communauté de Mme Galice. Il a laissé la marque d’un veilleur, d’un semeur, d’un découvreur de nouvelles terres, nous invitant à nous souvenir que nous sommes des voyageurs qui devons en garder la mentalité.

Nous avons ensuite évoqué le visage de Saint Jean Gabriel Perboyre, premier saint reconnu de Chine. Ce lotois d’une famille qui donnera cinq de ses enfants à la religion, vivra le don de lui-même dans les missions de formation en France puis en Chine où rapidement il sera arrêté et vivra une passion qui l’assimilera à son maitre Jésus auquel il souhaite ressembler ; sa prière quotidienne qu’il prononce avant la messe, nous le rappelle. Sa condamnation pour propagation d’une « secte abominable » rappelle l’absence de réel motif. Elle continue de persévérer dans sa configuration au Christ dont il a fait sa règle de vie.

C’est par la beauté qui orne St Lazare que nous avons terminé la journée, en parlant du frère François Casimir Carbonnier. Ce beauvaisien d’une famille pauvre, est repéré pour ses aptitudes à la peinture et a reçu une bourse d’étude avant de rejoindre l’école de Delacroix, peintre de l’empereur. Ne maitrisant pas la perspective et mal à l’aise avec l’ambiance débauchée des membres de l’école il va rejoindre celle d’un peintre récemment arrivé sur Paris : Ingres. Bien en vue, Il part à Rome puis rejoint Naples ou il fait des tableaux pour la Reine. A l‘abdication de Napoléon, il doit s’exiler en Angleterre comme tous les peintres de son règne.

Il rencontre une pauvre fille qu’il prend sous sa protection et avec laquelle il se marie. Ni l’un ni l’autre n’ont vocation au mariage. Il se voit proposé l’Inde mais préfère rentrer en France. Participant à une conférence, Monsieur Nozo le remarque et l’invite à rentrer chez les lazaristes ; comme il décline cet engagement, Monsieur Nozo lui propose de l’héberger pour participer à faire de la maison ce qu’elle est aujourd’hui. C’est lui qui habillera les murs de son art : la chapelle, le réfectoire, les couloirs, la sacristie par les nombreuses créations qu’il nous a légué. Il acceptera de devenir frère, conscient que peindre est pour lui un service religieux. Toutes ses créations lui ont demandé prière et silence pour donner à voir ce qu’il peint.

Vers 16h, le père Gomez clôt cette belle journée rappelant que le premier saint Lazare avait comme blason sur la porte, un Lazare ressuscité : témoignage de l’œuvre de Jésus qui a transformé la mort et fait du tombeau une source de vie. En rappelant tous ces visages nous avons rencontré des frères en humanité, habités de la passion du Christ. Que ce soient des historiens, un romancier, une orientaliste, venus nous en parler, tous montrent le rayonnement que leur vie a laissé.

Il nous propose à faire que cette maison, qui peut parfois paraitre lourde au moins dans sa structure, reste un lieu de rencontre des divers courants de notre société, sachant allier théologie, spiritualité et apostolat, trois éléments constitutifs de l’héritage laissé par Saint Vincent. Nous continuerons cette mission en repensant comment vivre l’internationalité et en répondant aujourd’hui, aux défis du monde et de l’Eglise.

P. Bernard Massarini. c.m. – P. Jean-Pierre Renouard c.m.
Source: https://cmglobal.org/

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