Le Carême : un temps pour le jeûne… pour prier (du P. Gregory Gay)

par | Fév 2, 2016 | Actualités, Famille Vincentienne | 0 commentaires

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Chers Frères et Sœurs, Membres de la Famille vincentienne,

Le Carême : un temps pour le jeûne

Une histoire : Lors d’une visite au Venezuela où je rencontrais des membres des diverses branches de la Famille vincentienne, les gens parlaient de la crise sociale et économique que traverse le pays et de ses effets sur la vie quotidienne. Les gens doivent attendre dans de longues files pour acheter des denrées alimentaires de première nécessité comme le pain, le lait, le riz, les haricots, etc. ; les gens doivent attendre dans de longues files pour acheter du savon, du dentifrice, et autres produits de nécessité ; les gens doivent attendre dans de longues files pour obtenir des médicaments et des fournitures médicales ; les gens doivent attendre dans de longues files aux stations de bus à cause des horaires réduits en raison du manque de pièces de rechange et de nouveaux pneus pour les véhicules utilisés dans les transports publics ; les gens doivent attendre dans de longues files pour obtenir des visas de voyage et ils auront encore plus à attendre dans des files encore plus longues dans les aéroports.

 Christ of the Breadlines a woodcut by Fritz Eichenberg


« Christ of the Breadlines » : a woodcut by Fritz Eichenberg

Attendre pendant des heures, sans pour autant avoir la garantie que l’on va obtenir les produits désirés et sans aucune garantie que l’on n’entendra pas ces mots redoutables: nous avons plus de pain (ou ce que l’on cherche). Cette phrase signifie que l’on devra attendre jusqu’à la semaine suivante car on ne peut faire partie de « la longue file » que lorsque le dernier chiffre de sa carte d’identité personnelle correspond à un jour précis de la semaine. En même temps, cependant, les gens parlaient des effets positifs de cette crise, soulignant le fait que les liens de solidarité ont été renforcés. Un de nos confrères disait que la situation actuelle les a conduit à adopter un mode de vie plus simple et a rapproché la communauté de la réalité des pauvres. Cette situation sociale, économique et politique avec ses aspects négatifs et positifs peut être considérée comme un passage de la croix (la crise) à la résurrection (la solidarité et une plus grande identification avec la situation de ceux qui sont pauvres).

"The Last Supper" by Fritz Eichenberg

« The Last Supper » by Fritz Eichenberg

Une histoire de Jésus : Et le Verbe s’est fait chair et Il a habité parmi nous (Jean 1, 14). Dieu, qui est tout amour, miséricordieux et compatissant, n’a jamais abandonné l’humanité. A bien des reprises et de bien des manières, Dieu, dans le passé, a parlé à nos pères par les prophètes ; mais à la fin, en ces jours où nous sommes, il nous a parlé par son Fils (Héb 1, 1-2). Jésus se mêlait aux foules qui formaient les longues files d’exclus, dans l’attente et avec l’espoir de participer, en tant que membres actifs, à la vie de la société. Jésus a nourri les foules et non seulement personne ne fut renvoyé les mains vides, mais des paniers et des paniers de restes ont été recueillis (Marc 6, 34-44). Jésus a étendu son pardon inconditionnel aux pécheurs, soixante-dix fois sept fois (Matthieu 18, 22) et il exhortait ses disciples à être aussi compatissants envers leurs frères et sœurs que Dieu l’était envers eux (Luc 6, 36). Du fait de son Incarnation, on peut trouver Jésus aujourd’hui dans toutes ces longues files d’attente que l’on retrouve dans d’innombrables villes à travers le monde, longues files d’hommes et de femmes qui crient à chaque heure du jour, demandant à être reconnus comme des membres à part entière de la société.

Une nouvelle histoire : Oui, le Carême est un temps pour le jeûne, mais au cours de cette année de la Miséricorde, notre jeûne doit prendre une nouvelle forme, celle qui mène à la conversion personnelle et communautaire. Notre jeûne devrait être tel que nous ne puissions jamais être accusés «de passivité, d’indulgence ou de complicité coupables à l’égard de situations d’injustice intolérables et de régimes politiques qui entretiennent ces situations» (Evangelii Gaudium, n° 194). Notre jeûne doit nous pénétrer, nous toucher dans les profondeurs mêmes de notre être de sorte que nous puissions entendre et comprendre à nouveau les cris de nos frères et sœurs. Alors, écoutant ces cris, courons pour les servir comme si nous courions au feu1, ;. Rappelons-nous cependant que lorsque nous tissons des liens avec ceux qui sont aux périphéries, nous devons entrer dans leurs sentiments… il faut tâcher d’attendrir nos cœurs et de les rendre susceptibles des souffrances et des misères du prochain, et prier Dieu qu’il nous donne le véritable esprit de miséricorde, qui est le propre esprit de Dieu (Coste XI, p. 340-341). Que notre jeûne pendant ce temps de Carême nous donne, à nous, membres de la famille vincentienne, un cœur nouveau, un cœur de chair, un cœur qui nous permette de créer des liens toujours plus forts avec nos seigneurs et maîtres, avec les innombrables hommes et femmes qui sont oubliés et abandonnés à travers le monde entier. Puisse notre jeûne durant ce Carême refléter ce même passage qu’expérimentent nos frères et sœurs du Venezuela, un passage de la croix (notre propre situation de crise) à la résurrection (la solidarité et une plus grande identification avec la situation de ceux qui sont pauvres).

Le Carême: un temps pour prier

Une histoire : Le mois dernier, à l’occasion de la fête de l’Épiphanie, je suis allé à Notre-Dame de Prime-Combe, un sanctuaire administré par les confrères de la Province de Toulouse et par une équipe pastorale composée de laïcs bien formés. Il fut un temps où environ 50.000 personnes se réunissaient pour célébrer la fête. Aujourd’hui, à peine 300 personnes viennent commémorer la fête de Notre-Dame, mais chaque dimanche, dans la mesure du possible, un confrère célèbre l’Eucharistie. J’ai été profondément impressionné par la foi simple des quelques 50 fidèles qui étaient rassemblés pour célébrer l’Eucharistie. Ils étaient tous âgés de 60 ans ou plus (aucun jeune n’était présent). Un groupe de moines bénédictins qui, depuis les années 1990 vivent dans l’un des bâtiments qui se trouve sur notre propriété, partage la vie de cette communauté de foi. Ce groupe de moines, cependant, constitue une communauté très spéciale. Chaque membre vit avec un certain handicap. Pourtant, ces hommes mènent une vie joyeuse et simple et offrent à la population avoisinante un puissant exemple de la manière dont le travail et la prière peuvent s’entrelacer.

Une histoire de Jésus : Jésus s’est souvent retiré de la foule et de ses disciples afin de passer du temps dans la prière. Il disait à ses disciples: priez pour ceux qui vous persécutent (Matthieu 5, 44) et lui-même a prié pour que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi (Jean 17, 21). Nous connaissons tous le récit de la prière angoissée de Jésus au jardin de Gethsémani (Marc 14, 32-42). Dans le même temps, Jésus a loué l’humble prière du collecteur d’impôts : Mon Dieu, montre-toi favorable au pécheur que je suis et il a déclaré que c’était le collecteur d’impôts qui était rentré chez lui justifié, car qui s’abaisse sera élevé (Luc 18, 9-14). Jésus a également fait l’éloge de l’offrande généreuse de la pauvre veuve qui monta à Jérusalem pour prier (Marc 12, 43-44). Avant qu’il ne quitte ce monde, Jésus a laissé à ses disciples l’héritage d’une prière qui combine deux grands désirs centrés sur Dieu, avec trois cris de demande centrés sur les besoins élémentaires urgents de l’humanité. Jésus dit au Père les deux désirs de son cœur : Que ton nom soit sanctifié et que ton règne vienne. Cela est suivi par les trois cris de demande : donne nous du pain, pardonne-nous nos offenses, et ne nous laisse pas entrer en tentation2. Par son Incarnation, Dieu comprend nos besoins, comprend que nous sommes brisés et blessés et dans la personne de Jésus toutes ces réalités sont présentées au Père !

Notre Dame de Prime-Combe

Notre Dame de Prime-Combe

Une nouvelle histoire : Oui, le Carême est un temps de prière et notre prière, tout comme notre jeûne, doit également prendre une nouvelle forme au cours de cette année de la Miséricorde, celle qui conduit à la conversion personnelle et communautaire. Sans des moments prolongés d’ado-ration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés, et la ferveur s’éteint. L’Eglise ne peut vivre sans le poumon de la prière (Evangelii Gaudium, n° 262).
Notre prière et notre jeûne donnent sens à notre ministère/service et notre ministère/service donne sens à notre prière et à notre jeûne. Mon espoir est que pendant ces 40 jours de Carême nous puissions prendre du temps non seulement pour écouter les cris des pauvres, non seulement pour servir et évangéliser les pauvres, mais pour prier avec les pauvres. En outre, ne sommes-nous pas tous, comme les membres de la communauté bénédictine de Notre Dame de Prime-Combe, c’est-à-dire, ne sommes-nous pas en quelque sorte brisés et avec un besoin de guérison, avec le besoin des prières des autres ? Par conséquent, comme les moines bénédictins, nos « handicaps » ne doivent pas nous empêcher de contribuer à l’édification de notre communauté, l’association, la Congrégation.

Enfin, et si, comme ne cesse de le faire le Pape François, nous demandions aux gens : s’il vous plaît priez pour moi ? Et si nous invitions les pauvres dans nos maisons pour partager avec eux un temps de prière ? Je voudrais vous encourager à le faire et ensuite, au cours du temps pascal, nous pourrions échanger les uns avec les autres notre expérience de partage de la prière avec nos seigneurs et maîtres.

Que notre prière et notre jeûne nous permettent de mourir avec le Christ pendant ce temps de Carême de l’année 2016 afin de ressusciter avec Lui le dimanche de Pâques et de chanter notre Alléluia !
Votre frère en Saint Vincent,

G. Gregory Gay, CM
Supérieur Général

________________
1. Coste XI, p. 31.
2. José Antonio Pagola, Jésus: Appproche historique, Editions de Cerf, 2012.

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