Comment apporter des réponses faces aux défis que traversent la jeunesse?

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L’ÉVANGÉLISATION DES JEUNES : UN DÉFI


Introduction

Chère Famille Vincentienne, chers participants à cette rencontre ecclésiale qui a lieu sous le regard de la Vierge :

Je veux d’abord vous remercier de tout cœur de m’avoir invité à votre rencontre. Pour moi, c’est un cadeau immense de revenir dans ce Sanctuaire de la rue du Bac, il y a longtemps que je n’y étais pas revenu… Je partage avec vous la spiritualité vincentienne dont je me sens très proche, car pendant deux ans, avant d’entrer au Séminaire, j’ai fait partie des Conférences de Saint Vincent de Paul, dans ma ville natale de Saint Sébastien. Je peux même dire que je me souviens d’avoir assisté, comme représentant des Jeunesses Vincentiennes d’Espagne à une rencontre européenne de jeunes qui a eu lieu en Belgique. C’est vrai qu’à ce moment-là, je n’étais qu’un jeune homme de 16 ans, mais je ne peux que remercier Dieu, parce qu’à travers votre charisme j’ai commencé à connaître les pauvres et les laissés pour compte de la société. Peu à peu j’ai même compris qu’ils sont les préférés du Seigneur. De ces années passées aux Conférences de Saint Vincent, je me souviens que le Bon Dieu m’enseigna deux choses importantes : j’ai appris à affronter mes peurs, surtout la peur de communiquer avec ce qui était inconnu et différent de moi ; en même temps il m’aida à m’ouvrir à l’universalité de l’Eglise. En effet, à l’ombre de Saint Vincent de Paul, j’ai appris à considérer les pauvres comme une partie de ma famille et en même temps j’a i perçu la catholicité de l’Eglise, ce qui à ce moment-là n’était pas si facile depuis le contexte de la paroisse.

Ensuite, après ce premier contact avec le charisme vincentien, la Providence m’a fait connaître bien d’autres expériences au sein de l’Eglise… Chacun d’entre nous sait bien que c’est le Saint Esprit qui nous guide et qui conduit l’histoire de notre vocation. Je peux vous dire qu’à mesure que la vie avance, j’ai de plus en plus de crainte, de respect, de compréhension, d’admiration et de dévotion pour ce passage de l’Evangile de Saint Jean : «Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller… «Suis-moi». (Jn. 21, 18-19). C’est vrai que, le meilleur de notre vie n’est pas ce que nous-mêmes nous avons programmé, mais ce que la volonté de Dieu a disposé, quelquefois en passant par des chemins tortueux et à pic.

Mais revenons à la réalité, Il y a huit ans qu’on m’a demandé de prendre en charge le service de Pastorale des jeunes de la Conférence Episcopale Espagnole. C’est à partir de cette expérience, qui a pris fin pour moi, que je vais partager quelques intuitions sur le défi de l’évangélisation des jeunes. Je me recommande à l’intercession de Notre Dame de la Médaille miraculeuse pour qu’elle m’inspire et que les réflexions que je vais partager avec vous soient fructueuses.


Nature de la Pastorale des jeunes

Il semble qu’il convient que cet exposé parte de la réflexion sur le ministère, dont l’Eglise nous a chargés, pour évangéliser les jeunes. En effet, avant tout, il faut répondre à la question sur la nature de la Pastorale des jeunes : Qu’est-ce que la Pastorale des jeunes? Toute pastorale –mais particulièrement celle des jeunes- tire son origine de la miséricorde du cœur du Christ. Le cri de Jésus sur la croix – «J’ai soif»- nous fait voir de façon concrète et dramatique le zèle pastoral du Bon Pasteur pour tant de jeunes, que le cœur du Christ aime avec un amour préférentiel, à tel point qu’il souffre de voir comment beaucoup d’entre eux errent à l’aveuglette, comme des brebis sans berger.

La Pastorale des jeunes : c’est la rencontre entre l’amour infini de Dieu pour les jeunes et leur désir d’atteindre un bonheur infini. Nous avons là deux «infinis» qui sont appelés à se rencontrer : de notre part il s’agit seulement d’un «désir»; mais il faut dire que c’est un désir «infini» qui ne se conforme pas avec des ersatz…; de la part de Dieu, il s’agit d’un amour infini, et pour lui, ce n’est pas une projection dans le futur, mais une réalité déjà présente et en cours.

Je me souviens d’un chef d’orchestre qui disait avec force à ses musiciens : «Faire une fausse note c’est une erreur, mais jouer sans passion c’est quelque chose d’impardonnable»… Je vous raconte cette anecdote, parce que le pire ennemi de la Pastorale des jeunes, c’est une apathie apparente dans le cœur des jeunes, le fait que beaucoup ont cessé de se passionner, ce qui équivaut à dire que ces jeunes ont cessé d’être jeune.

Par rapport à Dieu, la passion est toujours présente : Dieu est passionné!... Souvenons-nous de cette citation de Saint Bernard que notre cher Pape émérite, Benoît XVI, cita dans l’Encyclique «Spe Salvi» : «Impassibilis est Deus, sed non incompassibilis” “Dieu ne peut pas souffrir, mais il peut compatir” (Spe Salvi, nº 39). C’est-à-dire, Dieu compatit, il nous accompagne dans ce que nous vivons, il pleure avec nous, il rit avec nous… Dieu est un être de passion.

Mais, cependant, la passion d’un cœur jeune n’est pas sûre, c’est pourquoi, une des tâches principales de la Pastorale des jeunes consiste à la découvrir, à la susciter, à la ranimer. Par nature, Dieu nous a créés avec un désir infini de bonheur que Lui seul peut rassasier. (Pensons à la phrase bien connue de St. Augustin : «Tu nous as faits pour toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu'il ne demeure en Toi»). Mais, l’histoire collective et personnelle de péché, que nous traînons tous – les jeunes aussi – peut arriver à endormir dans notre cœur la «passion» du bonheur infini avec laquelle nous avons été créés.

Donc, la tâche de la Pastorale des jeunes est d’aider les jeunes à être jeune, c’est-à-dire des êtres passionnés. Ils doivent déterrer, dépoussiérer la passion pour un bonheur infini et éternel. Deuxièmement, ou plutôt en même temps, la Pastorale des jeunes est appelée à montrer aux jeunes, le Cœur passionné du Christ. C’est pourquoi, nous ne pouvons pas nous conformer avec le fait que les jeunes croient en Dieu, il faut qu’ils arrivent à croire que Dieu les aime personnellement, qu’Il a un plan personnel de bonheur infini pour chacun d’eux. Voici la vraie nature de la Pastorale des jeunes!


Technique familiale et ecclésiale dans la Pastorale des jeunes

N’oublions pas que la pastorale des jeunes est quelque chose de très récent dans l’histoire de l’Eglise. En général, on dit qu’elle est née avec Saint Jean Bosco, ça fait à peu près deux siècles. En effet, c’est lui qui a fait un travail spécifique avec les jeunes à travers son action pastorale… Avant, ce qu’on appelle aujourd’hui Pastorale des enfants, des adolescents et des jeunes, se réduisait à l’Initiation chrétienne. Quand un enfant ou un adolescent recevait les Sacrements de l’Initiation chrétienne, l’Eglise entrait alors avec lui dans une relation comme avec tous les autres adultes.

L’expérience accumulée dans l’histoire de l’Eglise est intéressante, pour que nous ne tombions pas dans la tentation de faire de la pastorale des jeunes un «dogme». En fait, aujourd’hui il existe des charismes au sein de l’Eglise – par exemple, ce qu’on appelle le «Chemin néocatéchuménal» - qui n’ont pas de Pastorale des jeunes particulière, de telle manière que leur action auprès des adolescents et des jeunes fait partie de la prédication à l’ensemble de la famille.

Mais, de toute façon, à côté des expériences particulières des charismes, dans l’ensemble de la vie de l’Eglise, nous avons avancé dans la compréhension du fait que le travail pastoral auprès des enfants, des adolescents et des jeunes, doit faire partie de l’ensemble de la Pastorale familiale. La clé se trouve dans la famille! Nous pouvons le répéter avec une conviction partagée, c’est dans son sein, c’est dans la famille que se joue le futur de la transmission de la foi.

Si dans les décennies précédentes nous avons été confrontés au problème de la rupture des générations au sein de la famille (les parents avaient de sérieuses difficultés à transmettre la foi à leurs enfants), actuellement la crise de la sécularisation affecte un peu de la même manière les diverses générations. C’est-à-dire, le défi actuel : ce n’est pas de transmettre la foi aux membres les plus jeunes de la famille, c’est de la transmettre à la famille.

Je dirais même, qu’en général, je crois que nous commençons à comprendre qu’il ne convient pas de travailler à une pastorale pour l’adolescence ou la jeunesse, avec des étapes selon l’âge, des groupes où les participants ont des expériences similaires, mais où il manquera des références des étapes postérieures. Les enfants ont besoin de la référence des adolescents; les adolescents ont besoin de la référence des jeunes; les jeunes ont besoin de la référence des adultes. Sinon, ce qui se passe, c’est que nos propositions pastorales ne font que modifier, plus ou moins profondément, des moments ponctuels et passagers de la vie, sans arriver à susciter des perspectives de futur et sans arriver à intégrer les jeunes au sein de la communauté ecclésiale.


Double technique : prédication du Kérygme et son incarnation sociale

Si nous suivons un ordre sérieux, logiquement on devrait distinguer un premier moment où l’on présente la nouveauté séduisante de Jésus-Christ - annonce du «Kérygme» - d’un second moment où l’on fait de la catéchèse pour la formation. Mais, ce qui arrive, c’est que de plus en plus souvent, l’accueil du Kérygme a lieu tout au long du développement de la démarche de catéchèse et même au cours des étapes postérieures de la vie chrétienne. C’est-à-dire que, malheureusement, il y a des enfants, des adolescents, des jeunes et des adultes catholiques, qui bénéficient d’offres pastorales diverses de la vie de l’Eglise et qui n’ont pas encore reçu la première annonce du Kérygme (ou au moins ils ne l’ont pas assimilée).

L’une des clés de l’Exhortation «Evangelii Gaudium», c’est précisément celle-là : le Kérygme est au cœur de la démarche et il est évident que cette priorité est pour toutes les étapes de la vie. La Pastorale des jeunes ne peut pas être une exception. C’est ce que disait Saint Jean-Paul II, lui qui lança l’appel à la Nouvelle Evangélisation dès le premier moment de son pontificat. Il disait qu’il ne peut y avoir d’évangélisation authentique sans une proclamation explicite de Jésus Seigneur, sans un primat de la proclamation de Jésus-Christ dans toute activité pastorale.

Dans l’évaluation, que nous devons faire, de nos programmes de Pastorale, il faut faire attention à l’erreur que nous commettons en opposant une pastorale supposée plus humaine à celle centrée sur la proclamation explicite du kérygme. L’expérience s’est chargée de prouver qu’il n’y a pas d’humanisation sans Jésus-Christ.

Le Pape François, en insistant sur un ordre de présentation nécessaire, quand on présente le kérygme, la catéchèse et le message moral, est catégorique : nous ne pouvons pas commencer la tâche de la pastorale des jeunes par le message moral, ni même par la catéchèse, nous devons commencer par le kérygme. Trop souvent, nous commettons l’erreur de penser que cette première étape est acquise.

Il y a quelque temps, j’ai rencontré le Père Lombardi SJ., en parlant de la communication du Pape François, il me disait combien il était frappé de voir que le Pape n’est pas gêné de répéter sans cesse le message du Kérygme, même si quelquefois cela semble répétitif…

En outre, comme on peut le voir dans l’Exhortation «Evangelii Gaudium», la proclamation authentique du kérygme tend à s’incarner dans la doctrine sociale de l’Eglise. Il s’agit de quelque chose d’essentiel dans l’évangélisation des jeunes car ils sont très sensibles à cela pour juger de l’authenticité du message qu’on leur adresse. La meilleure preuve de l’authenticité du kérygme, c’est sa capacité à transformer la vie, en changeant l’histoire.

Eh bien, le succès des propositions évangélisatrices faites aux jeunes, réside dans l’intégration de ces deux éléments complémentaires : l’annonce du Kérygme et l’engagement socio-caritatif. Si, d’une part, il y a la tentation de l’annonce du kérygme sans l’incarnation sociale nécessaire, d’autre part il y a aussi la tentation d’un engagement social qui se réduit à ne considérer que le plan humain, en ignorant la dimension transcendante de l’être humain. Ces deux formes de tentation doivent être dépassées! Malheureusement, pendant de nombreuses années, notre pastorale a été victime de «la loi du pendule», on passe d’un extrême à un autre… Aujourd’hui, nous sommes en période de maturité avec l’application de l’enseignement du Concile Vatican II et du Catéchisme de l’Eglise Catholique, ce qui permet l’intégration pastorale des différentes dimensions de l’Evangélisation.


Urgence affective : guérison des blessures

Au premier Congrès National de Pastorale des jeunes en Espagne, qui a eu lieu à Valence en novembre 2012, j’ai eu l’occasion d’aborder un thème, qui me semble important aujourd’hui dans la Pastorale des jeunes. Le titre de la conférence, que j’ai donnée, était : «L’évangélisation des jeunes face à «l’urgence affective». Je vais vous en exposer brièvement l’essentiel, sous forme de synthèse.

Dans les pays occidentaux particulièrement, dans la mesure où l’institution familiale s’est affaiblie, la culture qui en résulte provoque chez les jeunes – et aussi chez les moins jeunes - de nombreuses blessures affectives. En gros, je pourrais dire qu’il y en a trois : le narcissisme, le pansexualisme et la méfiance.

[A] Le narcissisme se manifeste par la difficulté d’aimer un «vous» distinct de soi-même. Le narcissique confond facilement l’amour avec la «possession» des personnes. Le motif, c’est que le sujet est enfermé dans sa propre hypersensibilité, avec la perception erronée que la vie tourne autour de son moi, de telle façon qu’il considère ses sentiments et ses craintes comme des absolus. Il n’y a pas de doute que la guérison du narcissisme est absolument nécessaire pour pouvoir vivre l’esprit évangélique d’oubli de soi et le don généreux à Dieu et au prochain.

Pour guérir le narcissisme, la prédication sur l’amour de Dieu, qui est à la base de notre estime de nous-mêmes, est essentielle. J’ajouterais que l’urgence affective dont souffre cette génération, est une occasion unique pour l’Eglise d’annoncer que «Dieu est amour» et qu’Il nous a créés pour le bonheur éternel. Avec cette annonce, l’Eglise n’oublie pas l’importance de l’ascèse, élément indispensable pour que l’être humain soit maître de sa volonté propre.

Enfin, la participation à l’action caritative de l’Eglise, peut arriver à être vraiment une thérapie pour le narcissique qui a besoin de guérison. Quand on rencontre les victimes authentiques de cette société, c’est une occasion en or pour dépasser la conception égocentrique de la vie.

[B] Le pansexualisme se caractérise par la réduction de la sexualité à sa dimension animale. La culture pansexualiste est omniprésente, sa caractéristique est la promotion d’un authentique «bombardement» d’érotisme, à tel point que cela provoque des addictions et des conduites compulsives qui affaiblissent la volonté des jeunes d’une façon alarmante. Ces dernières années, la diffusion de l’idéologie du genre dans la culture occidentale, a voulu construire un cadre théorique dans lequel les comportements immoraux cherchent une justification théorique. Il faut dire que le «divorce» entre l’amour, l’affectivité, le sexe et la procréation, a produit une profonde blessure dans le cœur des jeunes, effaçant la vocation à l’amour pour laquelle nous avons été créés…

On dit que la guérison du pansexualisme enlève aux jeunes leurs complexes face à la pratique de la chasteté. Il faut que la catéchèse sur ce sujet soit bien construite, en faisant voir l’importance de cette vertu, qui est, avant tout, libératrice. De même qu’à d’autres moments de l’histoire, l’Eglise a fondé, de manière subsidiaire, diverses œuvres sociales (hôpitaux, universités, etc.) dans la mesure où les pouvoirs publics n’étaient pas assez sensibilisés à de tels besoins; de nos jours, l’une des tâches principales pour l’Eglise, c’est l’éducation à l’amour humain. Il existe différents programmes d’éducation à l’affectivité et à la sexualité d’inspiration chrétienne. Il convient de chercher à les connaître afin de les utiliser d’une façon systématique dans nos projets éducatifs et pastoraux. Nous nous trouvons devant une question urgente et vitale, sans laquelle la pastorale des jeunes n’arrivera jamais à atteindre l’objectif de la sanctification des jeunes, ni même l’objectif du discernement de la vocation… Pour souligner combien cette éducation est importante, je voudrais vous rappeler des paroles du Docteur Enrique Rojas, un grand humaniste, un remarquable professeur en psychiatrie : «on appelle n’importe quoi : amour. Il existe beaucoup de mots en lien avec lui : tomber amoureux, aimer, désirer, plaire, chercher, avoir besoin… Il y a beaucoup de nuances et l’éducation est nécessaire pour savoir distinguer les uns des autres».

L’éducation de la sensibilité à la beauté est aussi un facteur à développer. Un grand nombre de nos jeunes vivent plongés dans un contexte culturel qui fait l’apologie de la «laideur» : dans les bandes dessinées, en peinture, en musique, dans les tatouages, etc. La crise esthétique est une preuve du vide intérieur. La vue chrétienne nous découvre que la beauté authentique contient une part de bonté et de vérité que l’on doit découvrir… à la lumière de la foi, nous savons que la beauté n’est pas une «apparence» mais une «apparition».

[C] La méfiance se présente comme une sorte de syndrome, enveloppé dans un manque d’assurance interne notoire, accompagné de la difficulté de faire confiance aux autres et même à Dieu. Il s’agit d’une blessure qui s’est ouverte dans le cœur de beaucoup de jeunes à cause des expériences négatives qu’ils ont accumulées : trahison sur le plan de l’amitié, dans le couple, ruptures familiales, etc. Tout cela a fait naître chez beaucoup de jeunes la sensation de ne pas fouler une terre ferme, de même que la crainte de l’avenir. La conséquence logique de cette blessure produit en général l’isolement et une vision sans espoir de l’existence.

La guérison de ce syndrome de méfiance passe par l’expérience de la communion au sein de l’Eglise. Très souvent, les expériences de rencontre dans la pastorale des jeunes sont des semences d’amitié chrétienne, de fiançailles chrétiennes et d’engagement dans le social.

N’oublions pas aussi, la grande leçon d’abandon et de confiance qui se trouve dans la dévotion au Sacré-Cœur. Il s’agit d’une dévotion qui touche le cœur de l’Evangile : la confiance en l’amour de Dieu, qui ne cessera jamais.


Urgence éducative : le pari d’une éducation chrétienne

Je ne sais pas qui a parlé le premier «d’urgence éducative», mais il n’y a aucun doute que c’est Benoît XVI qui a rendu cette expression populaire. Car il a dénoncé prophétiquement, avec beaucoup de courage, la crise éducative actuelle. Dans le chapitre précédent, j’ai essayé de montrer comment les blessures affectives conditionnent fortement la capacité d’accueil du message chrétien. Eh bien, on pourrait en dire autant de la crise éducative. En effet, la carence d’une éducation intégrale, le peu d’exigences en matière d’éducation, la diffusion de fausses idéologies dans le système éducatif… tout cela finit par constituer une réelle difficulté pour la tâche de l’évangélisation. Il faut vraiment poser un diagnostic correct du problème et tracer quelques lignes d’action. Devant un sujet si complexe, je ne peux que vous offrir quelques pistes de réflexion :

[A] Face à la crise du relativisme : nous croyons en la vérité

Le point de départ de notre proposition est très clair : nous avons été créés pour la vérité et pour l’amour. J’insiste, non seulement pour l’amour, mais aussi pour la vérité. Il est important de le dire, car bien souvent on oublie de la mentionner et même on la nie. Cependant, la vocation de notre intelligence pour atteindre la vérité est parallèle à la vocation de notre volonté pour atteindre l’amour. En réalité, vérité et amour sont inséparables, de telle manière que les séparer c’est les «falsifier» et même les «détruire»… L’amour sans la vérité est aussi illusoire que la vérité sans l’amour est inhumaine.

Il est clair que l’éducation n’est pas possible à partir du nihilisme. Si la vie n’a pas de sens, l’éducation non plus. Sénèque disait bien : «Il n'est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va». La conclusion est bien claire : l’éducation a besoin d’espérance comme la natation a besoin d’eau. L’espérance a aussi besoin de la vérité et de l’amour, comme le nageur a besoin d’un attrait pour se lancer à l’eau.

C’est pourquoi, la première chose que l’éducation chrétienne a besoin de susciter c’est la foi en la vérité, je dirais même l’enthousiasme pour la vérité. Il n’y a pas d’éducation si on n’a pas la passion de la vérité ou si l’on pense que toutes les opinions se valent…

[B] Education intégrale

Mais, en général, le relativisme ne se traduit pas tant par le rejet en bloc de l’éducation, que par un réductionnisme éducatif, en renonçant à une éducation intégrale. Le scientisme se présente comme l’unique vérité universelle, repoussant à un second plan la philosophie, l’éthique et la religion. Le résultat, c’est une éducation partielle et fragmentée. Pour justifier la carence d’une éducation intégrale, on invoque le besoin d’une éducation spécialisée, mais le problème de fond, c’est que l’absence de foi en la vérité rend impossible l’éducation intégrale.

L’un des aspects fondamentaux de l’éducation intégrale consiste à englober l’éducation morale et l’éducation religieuse. Les classiques de Grèce et de Rome disaient que l’éducation authentique ne consiste pas seulement à apprendre des théories, mais à distinguer les plaisirs et les sacrifices qu’il faut accepter ou rejeter. L’Evangile de Jésus-Christ va plus loin, il nous montre que la ligne de partage entre le bien et le mal ne passe pas en dehors de nous mais qu’elle traverse notre cœur. C’est-à-dire, l’éducation authentique implique notre conversion et la conversion requiert la connaissance du sens de la vie que Dieu seul peut nous donner.

[C] Fausses idéologies et légendes noires

L’urgence éducative actuelle ne se limite pas aux postulats relativistes, elle ne se réduit même pas à la carence d’une intégration intégrale. Le problème est beaucoup plus grand : nous sommes passés du «relativisme» à la «dictature du relativisme». En ce moment, nous nous trouvons devant le risque d’une contre-éducation avec des idéologies antichrétiennes qui se présentent sous couvert de faux humanismes. La principale de ces idéologies est «l’idéologie du genre» qui s’est répandue ces dernières années, à un tel point qu’elle s’est imposée comme norme dans de nombreux systèmes éducatifs.

Une pastorale des jeunes qui répond à l’appel du Bon Pasteur, qui nous demande de donner notre vie pour les jeunes, doit être capable d’une bonne critique face à cette crise des valeurs. Pour pouvoir accompagner les jeunes sur ces terrains où «l’on glisse facilement», en suivant le conseil de l’Evangile, nous devons être simples comme des colombes et rusés comme des serpents. C’est-à-dire, nous devons être prudents dans nos expressions, mais en même temps, clairs dans les concepts. C’est seulement comme cela que nous pourrons aider les jeunes dans une confusion si grande, comme celle qui est présentée par l’idéologie du genre.

Dans un autre domaine, l’évangélisation des jeunes est aussi conditionnée par la diffusion de plusieurs «légendes noires» au sujet de l’histoire ou de la vie de l’Eglise. Même si nous pouvons ressentir une certaine lassitude, quand il nous faut répondre à des objections tant de fois rebattues comme le cas de Galilée, l’Inquisition, les richesses du Vatican, etc. etc., il est important de nous efforcer de nous mettre à la place du jeune, rempli de doutes, victime d’une accumulation d’informations biaisées et même fausses qui l’empêchent de s’ouvrir à la foi. Accompagner les jeunes implique de partager leurs doutes pour les aider par des réponses adéquates. Dans la pastorale des jeunes, il faut pratiquer une apologétique équilibrée. Sur ce point, on a déjà fait pas mal d’efforts, avec de très bons résultats. Parmi eux, je pourrais citer par exemple : Catholic Voices, Arguments, New Evangelizers, Encristiano.com…

[D] Catéchisme pour les jeunes. Le phénomène Youcat

Nous sommes en train de parler de «l’urgence éducative», nous devons reconnaître que cette urgence a aussi existé et existe au sein de la Pastorale des jeunes, quand nous présentons le message chrétien aux jeunes. Souvent, le matériel utilisé dans la Pastorale des jeunes s’est centré sur les clés pédagogiques, en oubliant combien il était important de soigner les contenus de la transmission de la foi. Nous devons reconnaître que le matériel de la Pastorale des jeunes a été clairement insuffisant.

Une bonne contribution des JMJ de Madrid a été de promouvoir le Youcat et de le rendre populaire. Il fut lancé par Benoît XVI avec un message qui invitait les jeunes à étudier en profondeur le Catéchisme de l’Eglise Catholique : «Certaines personnes me disent que le catéchisme n'intéresse pas la jeunesse d'aujourd'hui; mais je ne crois pas à cette affirmation, et je suis sûr d'avoir raison. La jeunesse n'est pas aussi superficielle qu'on veut bien le faire croire; les jeunes veulent savoir en quoi consiste réellement la vie… C’est pourquoi je vous demande: étudiez le catéchisme avec passion et persévérance! Sacrifiez-lui de votre temps! Etudiez-le dans le silence de votre chambre, lisez-le à deux, si vous êtes amis, formez des groupes et des réseaux d'étude, échangez avec d'autres vos idées sur Internet. Dans tous les cas, demeurez ouverts au dialogue sur votre foi! Vous devez connaître ce que vous croyez; vous devez connaître votre foi avec la même précision avec laquelle un spécialiste en informatique connaît le système d'exploitation d'un ordinateur; vous devez la connaître comme un musicien connaît son morceau; oui, vous devez être bien plus profondément enracinés dans la foi que la génération de vos parents, pour pouvoir résister avec force et détermination aux défis et aux tentations de ce temps».

Mettre le Youcat dans le sac des jeunes fut vraiment quelque chose de providentiel. Aux JMJ. De Rio de Janeiro, on distribua de nouveau des centaines de milliers d’exemplaire parmi les participants. La grande surprise a été de voir comment cette remise du Youcat aux jeunes du monde entier, dans le contexte d’un moment de grâce – un Kairos authentique pour la vie de l’Eglise – a suscité dans de nombreux groupes de jeunes la ferme résolution de prendre au sérieux leur formation dans la foi. Même s’il ne s’agit pas d’un catéchisme officiel de l’Eglise Catholique, je pense que le Youcat est appelé à devenir un outil de référence pour la Pastorale des jeunes dans les années à venir.

Le défi de l’évangélisation dans le «sixième continent»

Le phénomène de l’Internet, les réseaux sociaux, Wasapp, les jeux vidéo etc. ont changé les paramètres utilisés par la Pastorale des jeunes autrefois. Actuellement par exemple, pour beaucoup de jeunes, les réseaux sociaux ne sont pas seulement un moyen de communication, ils sont devenus le «foyer» où ils habitent… Comment se situer par rapport à cette réalité?

Heureusement, l’Eglise n’a pas hésité à s’incorporer à l’ère digitale. Si nous regardons Internet, par exemple, la marque de la présence chrétienne est profonde, aussi bien en quantité qu’en qualité. On pourrait en dire autant des réseaux sociaux, des audiovisuels et des outils interactifs, etc. Peut-être que notre examen critique principal devrait se tourner vers un besoin de coordination entre nous, cela nous permettrait de présenter des produits de meilleure qualité, en outre, on pourrait bénéficier de beaucoup d’offres inconnues dans notre contexte ecclésial.

Il n’y a aucun doute qu’une des grandes intuitions du Pape François a été le besoin de conjuguer la «conversion personnelle» avec la «conversion pastorale». Eh bien j’oserai ajouter que cette double conversion implique aussi une «conversion communicative».

Quelqu’un a dit que Dieu nous a créés avec deux oreilles et une seule bouche, pour que nous écoutions le double de ce que nous parlons. La Pastorale des jeunes est appelée à mettre l’une de ses oreilles à l’écoute des réseaux sociaux et d’Internet – ainsi elle s’informe des aspirations des jeunes – en même temps qu’elle penche son autre oreille vers le Cœur du Christ, comme le «disciple bien-aimé». Le message que nous transmettrons doit être pétri de cette double «écoute»…

En matière de communication, le chapitre trois «d’Evangelii gaudium» est très intéressant. Concrètement, je pense que les conseils du Pape François, par rapport à l’homélie des prêtres, s’appliquent parfaitement à la communication digitale. Il dit : «Une bonne homélie… doit contenir “une idée, un sentiment, une image» (N°157).

Pour ce qui est de «l’idée» ou du message, les nouvelles technologies nous demandent d’être brefs et synthétiques. Maintenant, la capacité synthétique requiert la conviction de l’importance de nous centrer sur ce qui est fondamental dans le message chrétien : le kérygme. (Curieusement, une bonne partie des messages de Jésus-Christ s’adaptent facilement au format des 140 caractères de twitter).

Au sujet du «sentiment» dont parle le Pape François, nous ne devons pas oublier que nous adressons notre message à une génération de jeunes qui ont des blessures affectives profondes, nous en avons parlé précédemment. On ne peut pas oublier l’expression des disciples d’Emmaüs, quand ils analysaient comment s’était passée cette rencontre avec le Seigneur ressuscité : «Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route» (Luc 24, 32). En effet, pour que notre message puisse toucher l’esprit de nos interlocuteurs, il doit d’abord passer par leur cœur. Pour cela, il faut aussi que ce message vienne du cœur de celui qui parle, pas seulement d’une froide réflexion.

Par rapport à «l’image» - le troisième élément indiqué par le Pape François – on ne peut pas oublier que nous sommes dans le monde de l’image. Quand la parole va de pair avec l’image, elle en sort renforcée. Nous, les catéchistes, nous savons par expérience que la transmission d’un message atteindra mieux son but s’il y a une image, ou une photo sur laquelle on pourra voir le concept que l’on désire transmettre.

En parlant de la communication digitale dans le «sixième continent», nous ne pouvons pas et nous ne devons pas passer sous silence, le fait qu’un usage déséquilibré des nouvelles technologies s’est généralisé. Un bon diagnostic doit éviter les deux extrêmes, qui sont tous les deux dans l’erreur : d’une part, une pastorale des jeunes qui voudrait se développer en se passant de la communication digitale et donc, se rendrait ainsi incapable d’incarner la parabole du Bon Pasteur, lui qui part à la recherche de la brebis pour la retrouver là où elle se trouve; d’autre part le risque d’un optimisme ingénu, aveugle et muet devant les graves problèmes provoqués par l’usage déséquilibré des technologies.

L’expérience nous dit que l’emploi exorbitant de la technologie va de pair avec un manque de contenus à transmettre. Quand le contenu de la communication s’étiole ou disparait, alors toute l’attention se centre sur le moyen de communication. Il est donc important de souligner l’importance de la priorité de la «fin» sur le «moyen», pour pouvoir ainsi éviter les déviations et les abus.

Enfin, de la même façon que l’Eglise, au long de l’histoire, a développé divers services sociaux subsidiaires, pour remédier aux carences de chaque temps et de chaque lieu, ne devrions-nous pas, à notre époque, offrir aux jeunes une formation et un accompagnement bien programmé, pour un bon usage des technologies? En effet, dans «Evangelii gaudium» N°210, nous lisons : «Il est indispensable de prêter attention aux nouvelles formes de pauvreté et de fragilité». Il est évident, que nous sommes devant une «nouvelle pauvreté» de notre époque, qui doit être reconnue et abordée : l’usage déséquilibré des technologies (sans oublier non plus l’apport de l’Eglise face aux cas extrêmes. En effet, nous savons qu’il existe des addictions compulsives très graves, qui ont besoin, à la fois, d’un traitement psychologique et spirituel).


Importance de l’accompagnement personnalisé dans la Pastorale des jeunes. Discernement de la vocation

Dans le chapitre final de mon exposé, je vais souligner l’importance de l’accompagnement spirituel, traditionnellement connu comme «direction spirituelle». Je me souviens que la veille de l’ouverture des JMJ de Madrid en 2011, au cours d’une rencontre avec les responsables nationaux de la Pastorale des jeunes, j’entendis cette réflexion : «le fruit des JMJ sera proportionnel au nombre des accompagnements spirituels qui commenceront après cet événement». L’affirmation était audacieuse, mais je pense que son intuition était bonne. Si la Pastorale des jeunes ne s’en tient qu’à la pédagogie des rencontres de groupes, cela ne pourra être que quelque chose «d’épidermique». L’objectif à atteindre, c’est-à-dire une rencontre avec le Christ qui transforme la vie, ne se réalisera pas.

Brièvement, je vais citer quelques-unes des raisons qui montrent combien il est important de développer en priorité les accompagnements personnalisés :

  • La prolifération des blessures affectives, dont nous avons parlé précédemment, a besoin d’être traité dans une relation personnalisée.
  • Un proverbe africain dit : «on ne montre pas le chemin avec le doigt, il faut marcher devant». Il est clair que l’accompagnement personnalisé implique l’évangélisateur d’une façon très particulière, étant donné que cela demande la transmission de l’expérience chrétienne personnelle, pas seulement de la théorie.
  • Trop souvent, il arrive que la Pastorale des jeunes devienne un lieu de transit de volontaires, ils collaborent avec la meilleure volonté du monde durant quelques années de leur vie, mais à la fin de cette étape il y a peu de traces de ce qu’ils ont reçu. C’est pourquoi, je pense que le bon résultat d’une Pastorale des jeunes passe par un appel à un groupe de personnes dynamiques – la qualité est beaucoup plus importante que la quantité – qui aient été «touchés» par le Christ, qui soient vraiment des évangélisateurs. Eh bien, l’accompagnement spirituel de ces évangélisateurs est fondamental pour dépasser la condition de «groupe d’amis», afin qu’ils deviennent de vrais apôtres.
  • Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de démontrer combien l’accompagnement spirituel et le discernement de la vocation sont deux choses qui sont très liées. Pour illustrer ceci, je peux vous partager l’information suivante : en Espagne, on publie périodiquement une vaste enquête, réalisée par la Fondation «Santa Maria». A travers elle, on a pu constater combien la sécularisation de la société espagnole s’était étendue, particulièrement parmi les jeunes. Cependant, dans l’enquête de 2011, on demandait à de jeunes Espagnols (de 15 à 24 ans) si un jour ou l’autre ils ne s’étaient pas posé la possibilité d’avoir la vocation au sacerdoce ou à la vie religieuse. Eh bien 5,2% ont répondu de façon positive. C’est-à-dire, 350.000 jeunes s’étaient posé la question!... L’enquête faisait un pas de plus en demandant à ces jeunes s’ils avaient commenté leur inquiétude avec leur famille… la surprise c’est que 40.000 jeunes!! avaient effectivement commenté cela chez eux… J’aurais aimé que cette enquête pose une question de plus : parmi ces jeunes, combien avaient un accompagnement personnalisé au sein de l’Eglise… Malheureusement, je pense qu’il n’y en avait pas beaucoup, il leur a manqué un accompagnement important dans leur discernement.
  • En définitive, notre style pastoral doit être celui de Jésus-Christ, et il n’y a aucun doute que ces accompagnements personnalisés sont pleinement dans la ligne évangélique. Il suffit de penser à la rencontre du Seigneur avec la Samaritaine dans l’évangile de Saint Jean, ou bien la rencontre de Philippe avec l’eunuque dans les Actes des Apôtres.

Chers membres de la Famille Vincentienne, que Notre-Dame, la Vierge Miraculeuse, vous obtienne le miracle que quelques-unes de ces réflexions vous aident pour l’évangélisation des jeunes. Elle sera avec vous pour que vous ne vous lassiez pas de ramer vers la haute mer, ni de jeter les filets «au nom» de son Fils…En partageant avec vous ces réflexions, j’avais dans la tête les paroles bien connues de l’apôtre Saint Jean dans une de ses lettres : «Je vous l’ai écrit, jeunes gens : Vous êtes forts, la parole de Dieu demeure en vous, vous avez vaincu le Mauvais» (1Jn. 2,14). Ce sont là des paroles qui frappent, car elles expriment comme une réalité déjà présente, ce que nous voudrions atteindre par notre travail pastoral… Mais, il faut dire que la Parole de Dieu est une réalité et une prophétie en même temps. Que Celui qui a commencé sa bonne œuvre chez les jeunes, que Lui-même l’achemine vers son but! De même que notre Pape François, dans ses interventions, moi aussi je veux conclure en vous demandant : «priez pour moi »… Je vous promets de le faire pour vous!


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